Suite de notre retour sur le terrain, après les combats de Neukolln et de Stadtmitte. Nous suivons le groupe du Waffen-Hauptsturmführer Fenet qui est resté dans son secteur de combat, RSHA puis le RLM.
Dans un article précédent, la percée du SS-Sturmbataillon Charlemagne, nous avions vu que SS-Brigadeführer Krukenberg avait envoyé son officier d'ordonnance, Valentin Patzak prévenir le groupe Fenet de la tentative de percée, tué lors de sa mission l'officier n'est jamais parvenu au RLM.
Waffen-Hauptsturmführer Henri Fenet
Henri Fenet s'est engagé dans la Waffen SS en 1943. Passé par le SS-Ausbildungslager de Sennheim il suit ensuite les cours pour devenir officier. Au printemps 1944, il est au Truppenübungsplatz Böhmen pour la formation de la SS-Sturmbrigade puis combat à l'été 1944 en Galicie.
Début 1945, il est avec la division Charlemagne dans les combats en Poméranie, puis retraite jusqu'en Allemagne. Toujours sous les ordres du SS-Brigadeführer Krukenberg il part avec un détachement de 300 hommes environs défendre la capitale du Reich. Il survit à la guerre.
Le parcours du groupe Fenet
Partir du Reichsluftfarhtministerium RLM
Dans la nuit du 1er au 2 mai 1945, les Waffen SS français sont en position au RSHA, le Waffen-Hauptsturmführer Fenet envoie des patrouilles pour s'assurer que les lignes tiennent.
Henri Fenet raconte :
"Vers la fin de nuit, les guetteurs rendent compte que nous sommes de nouveau seuls en avant des lignes. on vérifie : c'est bien exact; à droite et à gauche, personne ! Un peu plus tard une patrouille vient annoncer que le front passe maintenant à la hauteur du Reichsluftfahrtministerium. C'est la que nous rejoignons dans la matinée et que nous prenons contact avec les forces de la Luftwaffe qui occupent le ministère."
Ils occupent les postes de combat avec d'autres éléments isolés lorsqu'ils voient surgir des véhicules soviétiques ornés de drapeaux blancs, plus inquiétant à l'intérieur de ces véhicules il y a aussi des officiers allemands. L'officier de la Luftwaffe en charge de la défense du RLM annonce à Fenet que Berlin vient de capituler et qu'il faut se rendre....
Henri Fenet se souvient :
"Non, nous ne pouvons pas croire que tout est fini...c'est impossible ! En tous cas nous ne pouvons pas rester là, nous faire prendre bêtement ! Que se passe t-il à la Chancellerie ? Là, au moins, nous aurons quelque chose."
"Rapidement nous quittons le ministère, sans
répondre aux appels des rouges, hommes ou femmes, qui nous invitent à
rendre les armes".
La Wilhelmstrasse et l'imposant Reichsluftfahrtministerium, dernière ligne de front tenue par les Waffen SS français |
Panther du Regiment Hermann von Salza détruit devant le Reichsluftfahrtministerium. La rue a été légèrement déblayée mais on imagine la difficulté de se déplacer même à pieds parmi ces débris. |
Pour ceux qui auraient raté un épisode le RLM n'a pas été rasé, n'oubliez pas de voir cet imposant édifice |
Il est intéressant de noter que dans son récit sur la bataille de Berlin, Henri Fenet ne mentionne pas avoir croiser le corps de Patzak dans les 400 mètres qui séparent le RLM de la U-bahn Station Stadtmitte. Est il mort dans un immeuble ou a t'il été pulvérisé par un obus ?
Puisque nous sommes au RLM, il faut se rappeler que la tombe sommaire du SS-Gruppenführer Heinrich Müller a été retrouvée en août 1945 sur le terrain du RLM (source soviétique). Signalé inhumé par la suite au cimetière de Lilienthalstrasse à Neukölln il s'avère qu'il repose dans la fosse commune du cimetière juif de Berlin Mitte (Grosse Hamburger strasse 26) parmi près de 2500 soldats et civils tués pendant l'ultime bataille. Le cimetière n'était plus juif à l'époque. Il y a certainement quelques Français et des soldats de la Nordland morts au combat.
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SS-Gruppenführer Heinrich Müller |
U-Bahn Station Stadtmitte
Pour échapper aux Soviétiques, Henri Fenet et sa trentaine d'hommes se glissent par une bouche d'aération du métro et poursuivent leur chemin dans le tunnel. La bouche devait se situer sur la Friedrichstrasse entre la station Kochstrasse et Stadtmitte .
Les Français arrivent à la station Stadtmitte où il y avait auparavant la PC Divisionnaire.
Henri Fenet :
"A Stadtmitte, pas âme qui vive..deux ou trois sacs abandonnés et c'est tout."
Dans le but de rejoindre la Chancellerie du Reich et se faire une idée sur la situation, les Français toujours à Stadtmitte prennent alors la voie vers l'ouest pour rejoindre la prochaine Station, la U-Bahn Kaiserhof.
Rochus Misch et la Stadtmitte
Rochus Misch était standardiste à la Chancellerie, le 2 mai 1945 il décide de fuir la capitale. A travers son témoignage on comprend qu'il s'est rendu dans différents lieux fréquentés par les Waffen SS français de Fenet.
Après avoir quitté la Chancellerie du Reich, être passé par la U-Bahn Station Kaiserhof. Il prend la direction de la U-Bahn Stadtmitte pour retrouver, bien trop tardivement, le groupe du SS-Gruppenführer Krukenberg. A vrai dire, il a fait le chemin inverse du groupe Fenet
Rochus Misch se souvient :
"Le tunnel de métro était sans lumière. J'ai poursuivi jusqu'à la station Stadtmitte pour ensuite rejoindre la Friedrichstrasse. Là j'ai croisé le valet de chambre Heinz Linge et un camarade du commando Helmut Frick. J'ai demandé où se trouvaient les autres. Il n'en savait rien."
U-Bahn station Kaiserhof
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L'hôtel Kaiserhof en ruine. Nous apercevons la ligne souterraine du U-Bahn empruntée par les SS français, est ce depuis cette ouverture que Henri Fenet a pu observer la scène ? |
Après une courte marche, 500 mètres, Fenet et ses soldats arrivent à Kaiserhof. Une échelle permet d'atteindre une grille d'aération offrant une vue sur la Wilhelmstrasse et Vossstrasse. Le Waffen-Hauptsturmführer décide de voir ce qui s'y passe.
Henri Fenet raconte :
"Je bois des yeux ce spectacle que tout mon corps se rétracte : aussi loin que le regard peut aller, Russes,
des véhicules à étoile rouge qui circulent en tous sens...Pas un coup
de feu, les murs de la chancellerie sont muets...il n'y a plus
personne...tout est fini !"
Pour le groupe, il s'agit maintenant de tenter de rejoindre l'armée Wenck qui doit être du côté de Postdam. Décision est prise de rejoindre la prochaine station à l'ouest, celle de la Postdammer Platz.
Henri Fenet :
"Nous utiliserons le souterrain le plus longtemps possible et nous profiterons de la nuit pour faire le reste du chemin."
La Reichskanzlei vu depuis la Wilhelmplatz après la bataille. C'est à peu près la vision qu'à Henri Fenet depuis son échelle lorsqu'il constate que la bataille est finie |
Le marbre de la station Mohrenstrasse
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Sur cette vue de 1953, la Reichskanzlei est détruite tout comme l'hôtel Kaiserhof. Nous voyons les deux entrées de la station de métro fraichement recouverte de marbre rouge, curieux hasard non ? |
Si vous allez dans la station vous remarquerez qu'un beau marbre rouge
recouvre les murs. Il a été dit qu'il s'agissait du marbre de la Reichskanzlei
réutilisé pour l'occasion, ce qui fut "officiellement" démenti par la
suite. Pourtant on ne peut s'empêcher de se poser ces questions :
- Pourquoi le marbre en question a le même aspect que celui de la Chancellerie ?
- Pourquoi cette station est elle recouverte d'une marbre luxueux dès
1951 alors que le quartier lui même n'est pas terrible (voir photo
ci-dessus) ?
- Pourquoi faire venir du marbre d'ailleurs alors que la matière première (la Chancellerie démolie dès 1947) était juste à côté ?
- N'essayent t-ils pas de nous prendre simplement pour des imbéciles ?
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L'intérieur de la Reichskanzlei avec son marbre rouge |
Rochus Misch et la Kaiserhof
Rochus Misch raconte :
"J'ai poursuivi ma route, couru à travers la Wilhelmplatz et emprunté les escaliers de la station Kaiserhof. La bouche de métro était entièrement criblé de balles. Les couloirs étaient noirs de monde. Des femmes, des hommes, des enfants, tous assis sur les marches, les quais partout. Je me souviens de deux jeunes guitaristes jouant des airs de musique hawaïenne au milieu de ce chaos indescriptibles."
Il faut savoir que la station Kaiserhof décrite par Henri Fenet et qui n'avait à l'époque pas de marbre s'appelle depuis 1993 la U-bahn station Mohrenstrasse.
Elle a, à vrai dire, souvent changé de nom au cours de son histoire,
d'ailleurs la mairie de gauche et la société de transport pensent à
rebaptiser la station dont le nom
est jugé raciste et discriminant puisque "mohr" est en rapport avec les
"maures"...
L'hôtel Kaiserhof
Lorsque Henri Fenet passe la tête par la grille d'aération au niveau de la rue Mohrenstrasse, à sa gauche il y a les ruines de l'hôtel Kaiserhof.
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L'hôtel de luxe Kaiserhof avant la seconde guerre mondiale. La station de métro était juste devant l'hôtel |
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1945. L'hôtel Kaiserhof ravagé par la guerre. C'est dans ce triste décor que Henri Fenet découvre que la bataille est vraiment finie. |
La station Mohrenstrasse/Kaiserhof qui aura vu le passage de Rochus Misch et de la troupe Fenet en cette journée du 2 mai 1945 |
Postdamer Bahnhof
Les Waffen SS continuent leur chemin à travers le tunnel du métro. Ce tunnel traverse la Wilhelm Platz et continue le long de la Vossstrasse pour arriver au milieu de la Leipziger Platz. La progression à travers les gravats est difficile. Des éclaireurs sont envoyés, ils y rencontrent d'autres Waffen SS isolés qui ont pris positions entre les couloirs du métro et la gare Postdamer. Ces derniers n'ont aucunement l'intention de se rendre.
En pointillé le métro souterrain. Il passe ainsi sous la Vosstrasse, la Leipziger Platz, où il y a deux entrées, puis arrive à la Postdamer Bahnhof |
Henri Fenet :
"A Postdamerplatz, une cruelle déception nous attend : les éclaireurs de tête rendent compte que la ligne sort de terre et continue à ciel ouvert. Précisément, l'un des tunnels débouche sous une arche de pont encombrée d'éboulis et d'objet hétéroclites qui nous offrent d'excellentes cachettes"
Tiger Ausf B de la s.SS-Pz.Abt 503 de Turk. Le blindé endommagé le 1er mai 1945 est abandonné devant la Postdamer Bahnhof |
Hypothèse
Comme le montre la photo ci-dessous, la ligne de métro de la Kaiserhof à la Postdamer Bahnhof n'est pas aérienne. Il semblerait que les Français soient donc parvenus à la Postdamer Bahnhof et d'une certaine manière à la Postdamer Ring Bahnhof, petite gare située à côté de la grande (voir photo ci-dessous). On remarque que la route est crevée et qu'il y a une ouverture béante donnant sur le tunnel du métro.
Les seules arches de pont présentes dans le secteur sont celles situées derrière la gare, près de la Spree. Il est tout fait possible que ce soit ici que le groupe d'assaut Fenet ait été capturé.
Le chemin de la captivité
Les Waffen SS cachés sous un pont parmi des corbeilles d'osiers sont traqués par les Soviétiques qui recherchent les derniers défenseurs de la capitale.
Henri Fenet raconte :
" Nous écoutons, oreille tendue, souffle coupée...Ils recommencent à fouiller en tous sens. une fois, deux fois, ils passent devant nous; l'un deux déplace une corbeille puis la remet...Serrés les uns contre les autres, crispés sur nous-mêmes, nous sommes là comme des bêtes traquées.
Brusquement c'est la fin. Sous de furieux coups de bottes, notre rempart s'écroule...Les Rouges nous entourent et nous fouillent; d'abord les montres, ensuite les armes."
Les Français sont capturés, rassemblés sur la Postdamer Platz ils partent sous escorte vers la Hermann-Goering Strasse.
Henri Fenet
:
"Nous sommes prisonniers, prisonniers ! Au milieu de cette foule de
soldats rouges, nous éprouvons au-dedans de nous-mêmes comme une brûlure
atroce la sensation physique de la défaite et de l'esclavage dont la
contrainte s'abat sur nous. C'est l'heure de l'universelle malédiction :
nous y sommes préparés".
Un Soviétique totalement alcoolisé et menaçant s'approche d'un des Français puis l'emmène vers une maison. Heureusement une des sentinelle chargée du convoi ramène le Français dans les rangs mais le Soviétique aviné revient en courant, saisit sa victime en criant "SS ! SS !" il sort son pistolet et tire dans la tête du malheureux prisonnier. Le Waffen-Unterscharführer Roger Albert Brunet vient de mourir.
La Voss-Strasse
Les Français remontent la Hermann Goering Strasse (Ebert Strasse), au croisement de la Voss-strasse ils peuvent voir une dernière fois la Chancellerie.
La Reichskanzlei depuis la Hermann-Goering Strasse. Les volontaires français de la Waffen SS y jetteront un dernier regard puisqu'ils ne la reverront plus jamais. |
Henri Fenet
se souvient :
"Nous arrivons devant la Chancellerie qu'ils sont en
train de mettre au pillage. Les poings serrés, la rage au coeur, nous
les voyons aller et venir dans ces murs noircis qui pour nous représentaient
tant de choses".
Angle Hermann-Goering Strasse et la Vossstrasse nous voyons la partie ouest de la Reichskanzlei |
Nous continuons sur la Hermann-Goering Strasse, en évitant de nous faire écraser par les chars T34 soviétiques. Comme les Waffen SS français nous allons longer la maison du Dr Goebbels. |
La maison du Dr Goebbels
En continuant leur chemin les Français passent -sans le savoir- à côté de la villa du Dr Goebbels.
La maison du Dr était située sur ce qui est maintenant la Behrenstrasse, la rue n'existait pas à l'époque. Elle était dans un parc, délimitée sur la Hermann-Goering-Strasse par un mur. Le ministre et sa femme, qui s'occupait de la décoration intérieure, y tenait des réceptions notamment avec les artistes. Pour ses week-ends, il allait le plus souvent à la villa Bogensee. La maison a été rasée bien des années après la guerre.
1945. La maison du Dr Josef Goebbels et la Hermann Goering strasse |
Maison du Dr Josef Goebbels, vue depuis la Hermann Goering strasse |
La Hermann Göring Strasse, le mur villa de la Goebbels avec son entrée à droite. Un schwimmwagen est détruit. |
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Sur cette vue Google Street l'emplacement de la villa se situait au niveau de la Behrenstrasse. Naturellement plus rien n'y subsiste, l'endroit n'y présente que peu d'intérêt. |
Ensuite les hommes atteignent la porte de Brandebourg, Henri Fenet raconte :
"Lorsque j'ai été fait prisonnier par les
Russes, j'étais blessé au pied. Or, pendant trois semaines nous avons
été baladés dans des conditions très pénibles pour moi, dans les
environs immédiats de Berlin. Nous étions obligés de marcher, ce qui
n'arrangeait pas ma blessure, il n'y avait ni pansements ni infirmerie.
finalement nous avons abouti dans un camp au nord-est de l'ancienne
capitale du Reich. Comme je marchais de plus en plus mal, j'ai été
expédié à l'hôpital local."
Voilà ce petit retour sur le terrain est terminé. Nous terminerons ce long chapitre sur la bataille de Berlin par la visite du cimetière de Berlin-Heiligensee.
Remerciements
Ce
reportage photo n'aurait pas été possible sans la participation de deux
personnes dont notamment mon ami Jean Luc qui m'a aimablement scanné et
noyé sous des dizaines de pages de témoignages de vétérans. Je ne le
remercierais jamais assez de sa patience après mes nombreux appels
téléphoniques et mes questions idiotes. Toujours grâce à lui, de
m'avoir transmis un lot de photos de Berlin, modernes et anciennes qu'il
a su récupéré à droite et à gauche. Ce lot est à la base des articles
sur les SS français, que le photographe anonyme soit remercié, si il me
lit un jour.
Enfin à Vincent pour les photos des combattants.
Liens
Falkenrehde un pont explosif
Berlin tome 1 : La contre-attaque de Neukölln
Berlin Tome 2 : Stadtmitte, l'ultime combat
Berlin Tome 3 : La percée du Brigadeführer Krukenberg
Berlin Tome 4 : Heiligensee, le repos éternel
Nous lirons
Mourir à Berlin de Jean Mabire
Pour l'Europe de Robert Forbes
Die Letze Runde Franzosen Kämpfen um Berlin par Henri Fenet
Berlin sera notre tombeau Tome 3 aux éditions Paquet
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