Après une journée et une nuit passé du côté de la baie de Somme, j'ai décidé de visiter un
peu plus la région et donc je suis retourné entre autres à Bourdon.
C'était la fin de l'après midi et il faisait très beau et chaud, après tout
c'est l'été. Je suis resté dans le cimetière pendant 3/4 d'heure environ
car ensuite je devais rouler vers le champ de bataille d'Azincourt qui est à proximité. Pour passer la nuit, j'ai posé le camping-car sur l'ancienne piste d'envol d'Abbeville-Drucat, celle de la Jagdgeschwader 26. Un super endroit pour moi mais loin, très loin d'obtenir tous les suffrages pour celles qui m'accompagnent pour ces vacances, déjà que le cimetière était limite.
Pendant que je suis dans le sujet, il y a une association locale spécialisée dans la recherche d'appareils et donc de pilotes de la seconde guerre mondiale, Somme Aviation 39/45 je vous conseille de jeter un oeil sur leur site internet.
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Dormir sur la piste d'envol des Fw 190 de la JG 26, c'est le top pour certains et carrément n'importe quoi pour d'autres.
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Pendant la guerre, le nord de la France comptait de nombreux aérodromes allemands. Ceux-ci accueillaient les avions en charge d'attaquer l'Angleterre, mais aussi de défendre les infrastructures viviles et militaires face aux vagues de bombardiers anglo-américains. Le cimetière militaire allemand de Bourdon situé dans le département de la Somme compte dans ses murs de nombreuses tombes de pilotes et d'équipages allemands, dans cet article je m'intéresse à un AS aux 57 victoires, Johannes Seifert.
Le Deutscher Soldatenfriedhof de Bourdon
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Le cimetière militaire allemand de Bourdon |
En 1961, le Volksbund a commencé à regrouper à Bourdon les sépultures des
soldats qui étaient enterrés dans les cimetières des villes et villages du Nord,
du Pas-de-Calais et de la Somme.
Le cimetière a été inauguré officiellement le 16 septembre 1967, la section de Rhénanie du Nord-Westphalie du Volksbund parraine le cimetière.
Une très grande partie des 22 216 soldats allemands qui y reposent sont tombés lors de la campagne de France de mai-juin 1940. Il faut dire qu'avec la création de la poche de Dunkerque, la région Nord a connu d'effroyables combats.
Une autre partie concerne des soldats tués fin août-début septembre 1944, après les combats sur le front d'Invasion, notamment après la traversée de la Seine.
Enfin, il y a une part non négligeable de pilotes de la Luftwaffe notamment ceux des Jagdgeschwader, les unités de chasse. Les tombes de ces pilotes s'étalent sur quatre années de guerre dans le secteur.
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Le cimetière militaire allemand de Bourdon
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Qui est Johannes Seifert ?
Johannes Seifert est né le 6 octobre 1915 à Pinneberg dans le Schleswig-Holstein, dans le nord de l'Allemagne près de Hambourg.
Dès 1938, devenu pilote chasse il est incorporé à la Jagdgeschwader 132, une unité équipée des nouveaux Messerschmitt Bf 109, le fleuron aéronautique de l'armée allemande.
En décembre 1938, le nom de "Schlageter" est ajouté à la JG 132.
Le 1er mai 1939, changement de numérotation et la 132 devient la Jagdgeschwader 26 "Schlageter".
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Johannes Seifert Croix de Fer au cou
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Du 1er mars 1940 au 10 juillet 1941, Seifert est officier, Staffel Kapitän de la 3./JG26 avec le grade de Hauptmann. Durant cette période, le 5 octobre 1940, il descend son premier avion dans le secteur de Rotterdam, il s'agissait d'un Fokker D21 de l'armée de l'air des Pays-Bas. Son premier Spitfire de la Royal Air Force est abattu le 28 mai 1940, dans le secteur de Douvres.
Après le 10 juillet 1941, il est muté à la Stab I./JG 26, il est Gruppenkommandeur jusqu'au 31 mai 1943.
En 1942, Il reçoit la Croix de chevalier de la croix de fer, le seul de sa Jagdgeschwader cette année là.
Seifert combat dans le nord de la France et au dessus des côtes britanniques mais aussi sur le front de l'Est avant de revenir en France avec la JG 26.
En juin 1943, nouvelle mutation il est Gruppenkommandeur du Stab II./JG26
Il est décoré de :
Croix de Fer 2e classe
Croix de Fer 1ère Classe
Ehrenpokal der Luftwaffe
Croix Allemande en or
Croix de Chevalier de la Croix de Fer
Et compte 57 victoires en 439 missions.
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Un homme de la JG 26 peint la 25e victoires sur la gouverne de direction du Messerchmitt Bf 109 F de Johannes Seifert
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La mort dans le ciel
Le 25 novembre 1943, des avions ennemis sont détectés dans le ciel français, en effet ce sont des Republic P-47 Thunderbolt escortés par des Lockheed P-38 Lightning du 55th Fighter Group 343 Fighter Squadron. L'objectif de leur mission est l'aérodrome allemand de Saint Omer.
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Une formation de Fw 190 de la Jagdgeschwader 26
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A 13h05, Johannes Seifert dirige la vingtaine de Fw 190 des 6 et 8.Staffeln qui ont déjà décollé et qui doivent intercepter les appareils ennemis. "Feindflugzeuge in Sicht !" en effet les Allemands ont repéré les P-38 qui reviennent de mission et filent en direction de l'Angleterre. Le groupe allemand attend la bonne altitude pour passer à l'attaque lorsque tout à coup Seifert lance son avion à pleine puissance et se dirige seul vers l'arrière du groupe de chasse ennemi.
Le P-38 du 2nd Lt américain Manuel J Aldecoa ferme la marche des avions américains. Le fils d'émigrés basques a vu l'avion de Seifert et par une habile manoeuvre évite de se faire surprendre. Il se retrouve face à face avec le Focke Wulf. La lutte à mort va commencer, les canons crépitent et font des dégâts, l'un des moteurs du P-38 est en feu mais les deux avions continuent de foncer l'un sur l'autre. Lorsqu'ils se croisent leurs ailes en viennent même à se toucher ! c'est le choc, les deux avions deviennent alors incontrôlables.
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2nd Lt américain Manuel J Aldecoa |
L'américain Aldecoa parvient à s'extraire de son avion en feu, il tire sur son parachute mais celui-ci se met en torche, il sait que c'est la fin. Aldecoa se tue lorsqu'il percute violemment le sol.
Pour l'As allemand, le destin est aussi tragique. Malgré les appels désespérés de ses camarades, Seifert n'est pas parvenu à s'extraire de son cockpit, le pouvait-il ? en tous cas aucun parachute n'est vu dans le ciel et le Focke Wulf s'écrase au sol dans une gerbe de feu.
Finalement en cette journée de Thanksgiving, les deux formations rentrent à leurs bases respectives sans engager le combat...ou presque. Pour Seifert, le P-38 a été sa 57e et dernière victoire en combat aérien.
Seifert est rapidement retrouvé
Les troupes allemandes au sol sont alertées et arrivent sur les lieux du crash. Johannes Seifert est retrouvé encore sanglé dans les débris fumant de son avion. Il sera inhumé dans un cimetière, le carré allemand d'Abbeville puis Mareuil-Caubert ?, il est aussi nommé Oberstleutnant à titre posthume. Au début des années 60, sa dépouille est transférée au cimetière militaire de Bourdon.
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Johannes Seifert pose devant son appareil
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Le corps démantibulé de l'Américain est aussi retrouvé par les allemands. Le 27 novembre 1943, Aldecoa est inhumé dans le carré anglais de Merville, sa tombe porte le n°91. Après la guerre, sa dépouille est transférée aux USA au Morris Hill cemetery à Boise dans l'Idaho.
La tombe de Seifert au Deutscher Soldatenfriedhof de Bourdon
Johannes Seifert repose entouré de ses camarades de la JG 26 au bloc 5 rangée 1 tombe 25.
Sur la même croix, l'Oberleutnant Friedrich Falke de la 8./JG 26 qui fera l'objet d'un article lui aussi.
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Tombe de l'Obertstleutnant Johannes Seifert à Bourdon |
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Zoom sur la croix de la tombe de Johannes Seifert
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Le Focke-Wulf Fw 190
En 1943, l'avion de Johannes Seifert est un Focke Wulf Fw 190A-6 WNr 470006 (numéro de série). Vous pouvez lire un article sur le Fw 190 du musée de l'air et de l'espace du Bourget en cliquant ici.
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Le seul Fw 190 visible en France est au musée de l'air et de l'espace du Bourget
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Le Fliegerhorst Abbeville-Drucat
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Fw 190 de la JG 26 au bord d'une taxiway à Abbeville-Drucat
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Comme je l'écrivais plus haut, j'ai eu l'occasion de dormir sur l'ancien aérodrome de la JG 26.
Aujourd'hui encore il existe quelques vestiges de la base aérienne d'Abbeville-Drucat aussi appelée "le Plessiel" du nom du village au nord de la base.
Dès
1941, les allemands décident de moderniser ce qui n'était auparavant
qu'un modeste aérodrome. Il s'agit alors d'accueillir les I. II. et
III./JG 26.
Trois
importantes pistes en béton sont construites en 1941-1942. Celle la
plus à l'Ouest faisait 1650 mètres, celle transversale faisait 1600
mètres et la dernière, au sud, mesurait 1465 mètres. Les trois pistes
faisaient 50 mètres de large. Elles étaient connectées aux multiples
taxiways, les voies de garages pour avions, ainsi qu'aux voies de
services.
Pour faciliter l'approche par mauvais temps, les avions étaient guidés par un
faisceau Lorenz ainsi que par des feux de piste.
La forêt au sud de Plessiel
était largement utilisée pour les besoins de la maintenance, armements
des avions etc pour l'occasion il y a avait des splitterschutzbox
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Aérodrome d'Abbeville-Drucat avec les infrastructures encore en place. au nord le village Le Plessiel, à l'est, Drucat.
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Les trois pistes de Drucat utilisées par la Jagdgeschwader 26 |
Le 19 août 1942 à 11h30, 22 bombardiers B17 du 97th Bombardment Group du VIII Bomber Command 2 larguent 34 tonnes de bombes sur le Fliegerhorst. La mission est de faire diversion et d'occuper la chasse allemande puisque le jour même a lieu le débarquement de Dieppe.
2
Fw 190 sont endommagés au sol. Le bombardement n'atteint pas l'objectif
escompté, les pistes ne sont pas détruites puisque 7 minutes après le
bombardement des chasseurs décollent....
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Bombardement de l'aérodrome d'Abbeville-Drucat
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Quelques vestiges (il faut aimer le béton)
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Les deux pistes "allemandes" bétonnées se croisent avec la piste moderne
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La piste transversale croisant la D928
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A gauche la taxiway sur la D 928. Dans le champs à droite nous remarquons une position de Flak avec sa tranchée pare-éclats.
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Ce qu'il reste de la taxiway sur la D928
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Taxiway aujourd'hui situé au 55 route nationale à Le Plessiel
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La maison repose sur des bonnes fondations
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Secteur Le huy - rue du château à Le Plessiel.
Au carrefour nous remarquons une position de Flak avec sa tranchée
par-éclats. Nous remarquons aussi les fondations d'un hangar (?) à
proximité du carrefour.
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Emplacement du hangar (?) rue du château d'eau. Le relief démontre que les soubassements sont encore là.
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Un peu plus loin un emplacement bétonné toujours situé sur la rue du château d'eau
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Le Plessiel près de la rue de la gare secteur le Huy
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La première dalle est encore présente, pour les suivantes il ne reste que les fondations des bâtiments. |
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Les bâtiments étaient sans doute des splitterschutzbox. Un soubassement en dur surmonté d'une toile, d'un filet de camouflage sorte de "toile de tente" semi-rigide.
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Petit souvenir, un morceau de béton de la piste transversale. Les Fw 190 ont posé leurs roues dessus il y a 80 ans déjà.
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Liens
Pilotes de la JG 26 inhumés à Bourdon
Bonjour, les anciennes pistes sont des reliques imposantes, je me souviens de la piste de Saint-André de l'Eure pas loin du Soldatenfriedhof, je connais aussi celle de la forêt de Gaël-Paimpont en Bretagne, je ne sais pas si des pilotes célèbres y sont passés ? Merci pour l'article et bonne continuation Christian 56 La Gacilly
RépondreSupprimerBravo pour tous ses articles..
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