Le Marine-Ehrenmal de Laboe est situé à proximité du U-Boot U-995, aux premiers abords ce n'est pas un joli mémorial, c'est une tour massive à l'aspect très austère. Cela n'encourage naturellement pas vraiment à la visite et pourtant le mémorial vaut vraiment le détour tant son intérieur s'avère riche et très intéressant, le magnifique point de vue sur le fjord de Kiel depuis la tour n'est pas négligeable non plus. En résumé, visiter le U-Boot sans visiter le mémorial serait une grave erreur.
Se garer et dormir à Laboe
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24€
pour 24h le tarif est salé puisqu'il a doublé un mois avant mon
arrivée. Vous pouvez néanmoins y dormir tranquille il n'y a pas un bruit
la nuit. |
Après avoir visité la baie de Somme, le cimetière militaire de Bourdon, Abbeville, je suis être passé par la Belgique pour sillonner le champ de bataille de Waterloo ensuite direction les Pays-Bas (toujours aussi moche) puis l'Allemagne. Bremerhaven et son U-Boot puis les fameux bouchons routiers de Hambourg, traversé un peu Kiel et je suis enfin arrivé à Laboe, la petite station balnéaire située dans le Scheslwig-Holstein, dans le nord de l'Allemagne, pas trop loin du Danemark.
Une
fois sur place, j'ai rapidement compris qu'il n'y a que deux façons de
garer son CC si l'on veut éviter les problèmes avec la Polizei.
Payer un emplacement pour trois personnes dans un camping parmi des bungalows, ce que je
n'ai jamais fait jusqu'à maintenant, ou bien payer une simple place de
parking à 24€ ! à contre-coeur j'ai pris la deuxième solution. Bien que
très rudimentaire mais curieusement tranquille la nuit, le parking est
très pratique puisqu'il est situé juste à côté du Marine-Ehrenmal et à seulement 150 mètres de la plage où trône le U-Boot.
Pour acheter son droit d'entrée pour le mémorial et/ou le U-Boot il faut passer par une petite boutique. Celle-ci s'avère très intéressante puisque vous y trouverez des livres, des t-shirts et autre goodies. La personne qui s'occupait de la caisse et qui s'est aperçu que nous venions de loin, m'a offert une photo dédicacée d'un sous-marinier de la seconde guerre mondiale, le genre de cadeau inattendu, la visite commençait rudement bien.
Le Marine-Ehrenmal
Le mémorial de la marine n'est tout d'abord, pas qu'une simple tour. La tour fait partie d'un complexe architectural qui compte aussi d'autres bâtiments y compris des pièces souterraines.
Le mémorial s'adresse aux marins, à tous les marins du monde même si forcément la partie allemande est omniprésente. D'ailleurs pour ceux qui ne le savent pas, durant la seconde guerre mondiale les Français pouvaient servir dans la Kriegsmarine, aussi bien à terre que sur la mer. Certains volontaires se sont tout de même fait avoir puisqu'ils se sont retrouvés -sans vraiment avoir le choix- dans les rangs de la division SS Charlemagne.
Et puis comme le mémorial s'adresse à tous les marins de toute nationalité, comment ne pas oublier nos Français de Mers el Kébir (1297 morts) ou bien même ceux de Dakar. Oui souvenons nous de nos marins, du capitaine de vaisseau Léon Mercier, commandant du croiseur "Primauguet" qui a vaillamment combattu et succombé à Casablanca en novembre 1942.
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Publicité française pour servir dans la Kriegsmarine |
La tour a été inaugurée en 1936 après sept ans de travaux et financée presque exclusivement par des dons d'associations de la marine. Elle était initialement dédiée à la mémoire des marins allemands de la première guerre mondiale mais en 1954, le mémorial est dédié à tous les marins, de toutes les nations.
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La tour fait 85 mètres de haut, heureusement elle est équipée de deux ascenseurs |
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La tour a été inauguré sous le III.Reich en 1936 mais le projet datait du milieu des années 20 |
Maintenant que la présentation est faite nous commençons la visite par insérer le jeton d'entrée dans une petite machine qui nous déverrouille le portique. Nous marchons quelques dizaines de mètres et sur une petite place nous tombons sur une grosse hélice de bateau, celle du "Prinz Eugen".
Le croiseur lourd "Prinz Eugen" a été lancé à Kiel en 1938. Ce bateau de guerre allemand est l'un des rares à avoir survécu à la seconde guerre mondiale, son destin a été plus enviable que le "Bismarck" ou que l'"Admiral Graf Spee". Saisi par l'US Navy après les hostilités, il a survécu à deux tests nucléaires réalisés dans l'atoll de Bikini. Il a été ensuite remorqué mais en proie à des voies d'eau il a sombré par 35 mètres de fond dans l'atoll de Kwajalein. Une de ses hélices a été récupérée par les Américains qui en ont fait dont à la RFA en 1979. Je vous invite fortement à vous rendre sur cette page pour voir quelques photos de l'épave qui est encore visible.
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L'une des trois hélices du Prinz Eugen, les autres sont restés sur place. |
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L'hélice et les plaques commémoratives |
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Le Schwerer Kreuzer "Prinz Eugen" était un très beau navire de guerre comme le démontre cette maquette à proximité de l'hélice |
Autour de l'hélice il y a quelques plaques commémoratives assez intéressantes, comme celle par exemple de la bataille du HSK Kormoran contre le croiseur léger HMAS Sydney II qui s'est déroulée en 1941. La bataille est retracée avec précision ici. A propos des cargos de guerre allemand, j'avais consacré un article sur le HSK Komet que vous pouvez consulter ici.
Toujours à proximité, nous voyons une mine type C/12 utilisée pendant la première guerre mondiale. La mine pesait suivant les modèles de 765 à 835 kg, chargées de 150 à 220 kg d'explosif. La longueur de son câble immergé allait de 100 à 150 mètres de long.
Maintenant nous nous rendons dans la salle historique mais avant cela, je m'arrête devant une autre hélice accrochée cette fois contre le mur.
Il s'agit de l'hélice du U-Boot U-8 du Leutnant zur See Alfred Stoss de la Marine Impériale Allemande (Kaiserliche Marine). Le sous-marin a été fabriqué à Kiel en 1911 et prend part à la première guerre mondiale où il coule cinq navires pour un total de 15 049 tonneaux. Le 4 mars 1915, alors qu'il en est à sa cinquième mission, il est pris à partie par des destroyers britanniques notamment le H.M.S "Gurkha". Obligé de faire surface, il reçoit des obus d'artillerie ennemis mais l'équipage parvient à se jeter à l'eau, toutefois un homme trouve la mort. Les Allemands sont secourus par les Britanniques.
En 2014, des plongeurs Anglais parviennent à récupérer illégalement l'hélice du U-Boot, celle-ci est donc saisie par les autorités britanniques. Elle est exposée au mémorial depuis 2016.
Poussons la porte et rendons nous à la salle historique, restaurée en 2010. Cette salle retrace l'histoire de la marine allemande avec des panneaux chronologiques, nous y trouvons aussi des portraits de marins et des maquettes, finalement on y reste un peu de temps. Les panneaux sont en allemands mais aussi en anglais.
Dans la salle historique nous pouvons voir la vitre bleue qui a été créée par Heinz Mai en 1936. Elle représente la vie des marins sur mer et sur terre, mais personnellement ce n'est pas trop mon truc, cela fait un peu vieillot. Peut être qu'avec un peu plus de lumière la vitre serait plus belle. A son angle, nous pouvons voir un obus.
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La vitre bleue est certainement plus belle lorsqu'il y a du soleil, ce qui n'était pas vraiment le cas le jour de ma visite |
Maintenant quelques présentations de maquettes et je commence par celle du Bismarck. Je ne vais pas faire la présentation du cuirassé, tout le monde le connait. Le 24 octobre 1940, le Dr Joseph Goebbels s'est rendu à Gotenhafen où il a visité le Bismarck mis en service en août de la même année. Il ne tarissait pas d'éloges, qualifiant le cuirassé de "merveille de la technique" mais quelques jours plus tard lors d'une discussion avec Adolf Hitler, celui-ci lui a rapporté qu'après la guerre, la méthode de construction devrait employé une mutation révolutionnaire car ces grandes caisses sont trop vulnérables aux sous-marins et à l'aviation. Sur ce point, on note la clairvoyance du Chancelier du Reich, le navire est coulé dans l'Atlantique le 27 mai 1941.
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Le Bismarck et son triste destin, pas facile de quitter la Baltique sans être vu surtout par des Suédois dont la neutralité laissait à désirer. |
Celle d'un S-Boot. C'est mon type de bateau favori je dois l'avouer, un véritable hors-bord et terreur du Kanalküste. Je me souviens m'être rendu sur la tombe de l'Oberleutnant zur See Klaus Dönitz, avoir lu "Alerte...vedettes rapides". C'était une obligation de le prendre en photo.
Deux maquettes de U-Boote. Nous reconnaissons le U-995 qui est à proximité du Ehrenmal mais aussi le U-2540 de Bremerhaven que j'ai visité mais malheureusement je n'ai pas encore eu le temps de faire un article.
Parmi les panneaux de marins disparus, j'ai retenu pour cet article le sous-marinier et officier Hans Göder.
Hans Göder est né le 8 novembre 1919 à Gross Wittfelde en Poméranie, aujourd'hui Biala en Pologne. Après sa scolarité il devient serrurier.
Le 1er mars 1940, il entre à la Kriegsmarine et sert à Kiel. Il demande ensuite à entrer dans les U-Boote et du 30 septembre 1940 au 11 mars 1941, il fait son instruction à la 1.U-Lehrdivision à Neustadt. Formation terminée, il est muté à la 22.U-Flotille à Gotenhafen et s'entraine à bord du U-145.
Du 31 janvier au 27 mai 1942, il entre une nouvelle fois en formation technique à Kiel. Le 30 mai, il est muté à bord du U-358 du Kapitänleutnant Rolf Manke, le 1er juin il est nommé quartier-maître. L'équipage s'entraine dans la baltique puis le 1er janvier 1943, le U-358 est transféré à la 7.U-Flotille basée à Saint Nazaire. Un ville bien connue des lecteurs d'HistoReich.
Le 1er mars 1944, le U-358 est dans les Açores lorsqu'il est pris à partie par quatre navires de guerre britanniques. 104 charges marines "Wasser bomb" sont balancées en direction du U-Boot qui parvient néanmoins à couler l'un des assaillants, le HMS Gould. Durant la bataille, le sous-marins est endommagé et doit remonter à la surface, les Britanniques l'achèvent à coup de canons. Il n'y aura qu'un seul survivant, Hans Göder fait parti des victimes.
Maintenant nous nous rendons dans une salle attenante, celle dédiée aux victimes civiles allemandes de la seconde guerre mondiale.
Devant l'avancée et les multiples crimes de l'Armée Rouge, des millions de civils Allemands de Poméranie, de Prusse Orientale ont quitté leurs foyers pour prendre la direction de l'ouest. Parmi eux, des centaines de milliers de vieillards, femmes et enfants se sont dirigés vers les ports de la Baltique, Königsberg, Danzig, Kolberg. Entassés sur des cargos et tout ce qui pouvaient flotter, soit 700 bateaux protégés par quelques bâtiments de guerre, les convois étaient à la merci de l'aviation et des sous-marins soviétiques.
Une plaque rend hommage aux courageux marins qui ont permis l'évacuation vers le Danemark ou le Schleswig-Holstein d'au moins 1 250 000 personnes, non sans pertes malheureusement.
"Les expatriés remercient la marine de guerre et la marine marchande pour le sacrifice qu'elles ont fait pour avoir sauver des centaines de milliers d'Allemands expulsés de leur patrie 1944-1945"
Dans la pièce dédiée à cet exode vers l'ouest, il y a la maquette du paquebot "Wilhelm Gustloff".
Le Wilhelm Gustloff a été construit à Hambourg en 1937. De mars 1938 à août 1939, il a navigué pour le compte de la KdF à Madère, en Italie, en Norvège, c'était un paquebot de belle facture. Un voyage de cinq jours du côté de la Norvège coutait 50 RM, Madère 120 RM. Avec une salaire mensuel moyen de 150 RM, l'ouvrier devait sagement économiser, lorsque les classes moyennes (fonctionnaires, employés de bureau) pouvaient se le permettre et ils ne sont pas gênés, préférant acheter un voyage en paquebot KDF plutôt que ceux des lignes classiques plus onéreux mais qu'ils pouvaient financièrement se permettre.
En mai 1939, le Gustloff est envoyé à Vigo en Espagne avec la mission de récupérer les corps des soldats de "la Légion Condor" tués lors de la guerre civile espagnole. Et puis sa carrière touristique s'arrête brusquement après 40 croisières. Avec le début de la guerre, comme il ne peut plus faire de croisières sous peine d'être arraisonné par l'ennemi.
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Intérieur raffiné pour le Wilhelm Gustloff, histoire de rompre l'ennui d'une croisière |
Resté à quai, il entre au service de la Kriegsmarine en tant que navire-auxilliaire puis il est transformé en navire-hôpital de 500 lits, des croix rouges ornent ses cheminées. En mai 1940, il est envoyé en Norvège dans le but de rapatrier en Allemagne les soldats blessés
En novembre 1940, il rejoint le port de Gotenhafen (Gdynia en Pologne) où il est peint en gris et sert de caserne flottante pour les futurs sous-mariniers.
Le 4 octobre 1943, il est endommagé lors d'une attaque aérienne et après sa période d'immobilisation de plusieurs années, le bateau est remis en état de naviguer en toute hâte pour répondre à l'urgence des évacuations du front de Prusse-Orientale et de Poméranie. Sa machinerie est totalement révisée, des canons de 20 mm sont installés pour faire face aux attaques aériennes. Malgré cela, avec ses 15 noeuds le bateau est définitivement trop lent pour devenir un véritable transport de troupe car cela fait de lui une cible facile et malheureusement ce sera le cas.
Le 26 janvier 1945 à Gotenhafen, l'embarquement pour l'évacuation vers l'ouest commence. Des sous-mariniers de la 2.Unterseeboot-Lehrdivision montent à bord auxquels s'ajoutent des auxiliaires de marine (des femmes notamment), des blessés graves et des civils.
Le 30 janvier vers midi, le Wilhelm quitte Gotenhafen, ce sera son pemier et dernier voyage. Au lieu d'être escorté par 4 navires comme c'est la règle, il n'y en a que deux et encore, l'un des deux bateaux est obligé de faire escale à Hela suite à une avarie technique. Dans la soirée, le drame, le Wilhelm est atteint de plein fouet par trois torpilles tirées depuis un sous-marin soviétique, le S13. Le bateau sombre dans les eaux glacées de la Baltique (déjà qu'un mois de juin je l'avais trouvé glaciale alors en janvier). Arrivés sur les lieux du drame, le torpilleur Löwe et le torpilleur T36 tentent de sauver le maximum de personne possible. Arrivant à son tour dans les parages, le croiseur lourd, Admiral Hipper avec 1500 blessés à son bord doit continuer son chemin pour éviter d'être torpillé. Plus tard, près de 200 personnes sont sauvées par d'autres bateaux arrivés sur les lieux de la catastrophe, on image bien l'hypothermie sévère des rescapés.
Le naufrage du Wilhelm Gustloff a fait environ 9000 morts mais 1252 personnes ont pu être sauvées grâce à l'action des marins.
D'un point de vue juridique, le torpillage n'était pas un crime de guerre
car le Wilhelm était considéré, avec raison, comme transport de troupes armé (comme le Goya et le von Steuben), donc une
cible légitime dans le droit international. De toute façon les
Soviétiques, et pas qu'eux d'ailleurs, se moquaient bien du "droit
international".
En 1988, des plongeurs, des crapules Britanniques (encore eux !) se sont rendus sur l'épave du Wilhelm Gustloff et ont découpé deux hublots du paquebot. L'action était totalement illégale puisque le bateau est considéré comme un cimetière maritime, les autorités allemandes ont donc confisqué les deux pièces. Un hublot est exposé à Laboe et l'autre au Deutsches Schiffahrtsmuseum de Bremerhaven.
Voici une liste des pertes maritimes lors de l'évacuation :
Le 30 janvier 1945, le Wilhelm Gustloff au large de Stolp, 9000 morts, 1252 rescapés
Le 9 février, le Hedwigshütte au large de Fehmarn, 43 morts
Le 10 février, le General von Steuben au large de Stolp 1100 morts
Le 19 février, le Consul Cords au large de Warnemünde, 103 morts
Le 12 mars, le Andros au large de Sinemünde, 200 morts
Le 10 avril, le Neuwerk au large de Danzig, 710 morts
Le 11 avril, le Posen et le Moltkefels au large de Hela, 1000 morts
Le 13 avril, le Karlsruhe au large de la Poméranie, 850 morts
Le 16 avril, le Goya au large de Rixhöft, 7000 morts, 180 rescapés
Le 25 avril, le Emily Sauter au large de Hela, 50 morts
Le 3 mai, le Musketeer 800 morts
Le 6 mai 1945, Karl Dönitz donne l'ordre absolu d'envoyer à l'est tous les bateaux disponibles pour embarquer le plus de réfugiés possible. Ainsi le 8 mai, 111 000 soldats et 6 300 blessés ont réussis à rejoindre l'ouest par bateau, il n'y avait que 5 400 réfugiés civils. L'évacuation continuera à Hela jusqu'au 10 mai, 26 000 personnes ont été débarqués dans le Schleswig-Holstein. Le tout dernier bateau atteignit Flensburg le 14 mai.
Dans le prochain article nous continuerons notre visite et nous monterons enfin en haut de la tour.
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