Il y a quelques années déjà, sans aucune préparation préalable, j'avais visité un samedi matin le mausolée du Mont d'Huisnes. J'y ai pris quelques photos, j'ai admiré le point de vue sur le Mont Saint Michel et je m'étais promis de revenir avec une belle liste en main pour les recherches, une chose qui ne s'est pas concrétisée pour l'instant. Dans cet article, je vais parler d'un officier de la 12.SS Panzerdivision "Hitlerjugend".
Heinz Beiersdorf
Heinz Beiersdorf est né le 24 septembre 1912 à Köslin en Poméranie, maintenant Koszalin en Pologne. Une région que les lecteurs du blog connaissent bien puisque nous sommes à seulement quelques kilomètres de Körlin et Belgard où les Waffen SS français ont combattu en 1945, lire Körlin, la 33 Division SS Charlemagne en Poméranie. Le père de Heinz était architecte mais il décède en 1918.
Beiersdorf va au lycée et avec son arbitur en poche (le baccalauréat allemand) il entre ensuite à l'université puis devient apprenti commercial chez Steinsalz SyndiKat Gmbh. Apprentissage fini, il devient commercial dans l'export. En 1935, il entre comme auxiliaire de bureau à l'office des brevets du Reich (Reichspatentamt). En 1936, il devient inspecteur régional.
Le 15 février 1937, il prend sa carte au NSDAP n°515 731 puis la SS où il a le n° de matricule 84958. Dans l'Allgemeine SS, il est SS-Obersturmführer au bureau d'éducation SS (SS-Schulungsamt) en charge du matériel de propagande. En 1938, il est muté au SS-Hauptamt.
Le 21 juin 1943, il est nommé SS-Sturmbannführer (toujours dans l'Allgemeine SS) puis bientôt c'est la mutation dans une unité combattante...la 12.SS Panzer-Division "Hitlerjugend".
Comme nous pouvons le lire, la carrière de Heinz était très bureaucratique, était il un "pupille de la nation" comme nous les appelons chez nous ? S'est il porté lui même volontaire pour rejoindre le front ?
Invasionsfront !
Le 6 juin 1944, c'est l'Invasion, le débarquement en Normandie. La 12.SS Panzer-Division "Hitlerjugend" rejoint très rapidement les environs de Caen où elle doit contre-attaquer.
Heinz Beiersdorf est SS-Obersturmführer à la tête d'une compagnie de la SS-Panzer-Aufklärungs-Abteilung 12. Plusieurs sources (internet surtout) citent la 3.Kompanie quand pour d'autres c'est la 4.Kompanie, en tous cas il est difficile de trouver des informations détaillées et surtout pas contradictoires sur cet SS-Obersturmführer de 31 ans.
Dans l'
album historique 12 SS Panzer-Division Hitlerjugend de Hubert Meyer aux éditions Heimdal. il est indiqué que
Beiersdorf était à la tête de la
4.(Aufkl.) Kompanie et il y a tout lieu de le croire comme nous allons le lire.
Que s'est il passé le 26 juin 1944 ?
Le dimanche 25 juin 1944, nous savons que Heinz Beiersdorf est toujours vivant et qu'il est naturellement en Normandie avec son unité. Dans un courrier adressé à Hubert Meyer le 7 novembre 1969, le SS-Untersturmführer Karl-Heinz Gauch qui commande temporairement la 1.Panzerspähkompanie a apporté un intéressant témoignage, en voici un extrait :
"Je
retrouve le Kommandeur au PC du Panzer-Regiment Wünsche. Je fais mon
rapport en quelques mots. Mais sans équivoque ! Je crois que je n'ai
rien oublié de ce qu'Olboeter m'a confié. Près de Gerd Bremer se trouve
le SS-Obersturmbannführer Wünsche, il écoute aussi et parait calme. Il
dit : "- Ce soir, Gerd, nous aurons la situation en mains ! Tu me donnes
une compagnie d'infanterie pour protéger mes panzers. J'attaque sur la
gauche de Tessel-Bretteville et je rejette l'adversaire jusqu'à la route
!"
"Déjà
mon Kommandeur s'adresse à un agent de liaison : "- Que
l'Obersturmführer Beiersdorf me rejoigne ! que la 4e compagnie se
prépare !" Puis : "Eh bien Gauch, on doit y retourner !" Il est aussi
très calme. et ensuite nous rejoignons notre PC et les ordres vont
pleuvoir."
Dans la nuit du 25-26 juin, le Kampfgruppe Wünsche est positionné au sud de Fontenay-Le-Pesnel et fait face au bois de Tessel. Les Panther et Panzer IV du SS-Panzerregiment 12 de Max Wünsche, sont soutenus par la 3.(Aufkl.) Kompanie et la 4.(Aufkl.) Kompanie et par des éléments de la 5. Kompanie ainsi que des éléments du III./26. Face à eux, dans le bois de Tessel, il y a le 1st Battalion Tyneside Scottish et les blindés du 24th Lancers équipés du classique Sherman mais aussi de sa version plus puissante, le Sherman VC Firefly.
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Explosions d'obus fumigènes dans le secteur de la 12.SS Panzerdivision, bientôt l'assaut britannique.
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Le matin du lundi 26 juin, les Britanniques déclenchent l'
opération Epsom, pour plus d'informations sur cette opération du côté
rosbeef...britannique je vous conseille de lire "
Fontenay-Rauray the bear and fox, ready for the gray de Frederick Jeanne". Entre les unités allemandes et leurs ennemis, le choc va être frontal, blindés contre blindés, l'infanterie allemande broyée par la puissante artillerie adverse y compris celle venant des canons du
cuirassé HMS Rodney. Toute cette partie du front est en feu. A la fin de la journée, on compte les morts par centaines, les corps des deux belligérants mélangés entre eux, les carcasses de blindés laissent s'échapper leur sombre fumée sous un ciel pluvieux. Triste spectacle.
Parmi les Hitlerjugend tués ce jour là dans le secteur de Tessel, il y a le SS-Sturmmann Heinz Fritsche né le 24 mai 1926 à Magdeburg, il est inhumé au cimetière militaire de la Cambe au bloc 34 rangée 8 tombe 305. Le SS-Unterscharführer Gerhard Mahlke né le 12 janvier 1922 à Putkallen, lui aussi inhumé à la Cambe au bloc 47 rangée 3 tombe 91. Porté disparu toujours dans le secteur de Tessel, le jeune Waffen SS Georg Schäfer né le 26 février 1926.
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Waffen SS du SS-Pz.Gr.Rgt. 26 aux mains des Britanniques lors de l'Opération Epsom.
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Revenons à Beiersdorf qui a pris part à l'attaque du Kampfgruppe Wünsche. Dans son livre, Hubert Meyer le signale comme décédé le 26 juin 1944. En réalité, s'il est bien compté comme perte c'est en tant que blessé comme nous allons le lire plus loin, d'ailleurs Meyer indique que deux officiers de la SS-Panzer-Aufklärungs-Abteilung 12 auraient été blessés ce jour là, Beiersdorf ?
Dans l'ouvrage
Panzer Division Hitlerjugend tome 1 volume 2 de Stephan Cazenave chez Maranes Editions.
Beiersdorf
apparait comme décédé le 8 juin des suites de ses blessures reçues la
vieille, le 7 juin 1944 or d'après la plaque funéraire et le
Volksbund,
Beiersdorf est décédé le 8 juillet 1944, soit un mois après. D'ailleurs, le témoignage apporté plus haut par le
SS-Untersturmführer Karl-Heinz Gauch semble contredire la version
de Cazenave.
Par contre l'auteur indique que Beiersdorf est décédé au SS-Feldlazarett 501 à Sées, ce qui semble exact puisque le Volksbund indique comme lieu du décès un très sobre "Sées".
Nous pouvons conclure : Heinz Beiersdorf était SS-Obersturmführer et chef de la 4.(Aufkl.) Kompanie. Sérieusement blessé le 26 juin 1944 lors de l'opération Epsom (par balles, par l'artillerie ?) il est évacué sur SS-Feldlazarett 501 à Sées (rue d'Argentré, c'est actuellement l'ephad des soeurs de la miséricorde) où il y est mort le 8 juillet 1944. Comme nombre de camarades décédés à Sées, Beiersdorf a été inhumé dans le jardin de l'hôpital. Il a ensuite été exhumé après la guerre pour rejoindre, dès 1961, le mausolée allemand du Mont d'Huisnes où il repose toujours.
Heinz Beiersdorf au Mont d'Huisnes
Comme je l'ai écrit plus haut, le SS-Obertsturmführer Heinz Beiersdorf repose dorénavant au cimetière militaire allemand du Mont d'Huisnes à la crypte 39, plaque 107.
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La plaque funéraire du SS-Obersturmführer Heinz Beiersdorf
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Le cimetière militaire allemand 1939-45 Mont d'Huisnes
Le cimetière est situé sur une colline de 30 mètres de hauteur à 1 kilomètres du village de Huisnes-sur-mer. Sa construction débute en 1960 et 11 956 corps y ont été transférés dès 1961, ils provenaient de Normandie mais aussi des départements du Morbihan, Ille et Vilaine, Mayenne, Sarthe, Loir et Cher, Indre et Loire, la Vienne et l'Indre ainsi que des iles Anglo-Normandes, Jersey, Guernesey, Aurigny et Sark.
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1960. La construction du mausolée du Mont d'Huisnes avec le Mont Saint Michel
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L'inauguration du mausolée le 14 septembre 1963 |
Son architecture n'est pas banale, car c'est un mausolée (unique en France) circulaire d'un diamètre de 47 mètres. Il y a 68 cryptes réparties sur deux niveaux (Rdc et 1er étage), dans chaque crypte reposent 180 morts. Il y a aussi une fosse commune recouverte d'une dalle. Depuis sa hauteur, après tout nous sommes sur une colline, le mausolée offre une très jolie vue sur la baie du Mont Saint Michel, n'oubliez pas vos jumelles.
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L'entrée du cimetière militaire allemand du Mont d'Huisnes est sur une colline
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Les deux niveaux circulaires avec leurs cryptes
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Cette photo du Mont Saint Michel a été prise depuis le cimetière militaire allemand du Mont d'Huisnes
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Si vous parcourez silencieusement le mausolée, vous y verrez des Waffen SS tués lors de l'Invasion comme le SS-Untersturmführer Georg Adam un exemple parmi d'autres, des pilotes de chasse comme le jeune Harti Schmiedel, des marins, des soldats du Heer comme l'Obergefreiter Helmut Lehnert, des NSKK comme Arnold Lamm, mais aussi les traditionnels Hiwis comme Viktor Iwanow, des civils et malheureusement des femmes, victimes bien souvent des bombardements, comme l'infirmière Lieselote Schuchmann. L'officier supérieur côtoie l'homme de troupe, il n'y a plus de grade dans la mort, enfin presque puisque les grades sont inscrits tout de même sur les plaques de bronze.
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L'intérieur de l'une des 68 cryptes
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Nous lirons
La bataille de Normandie est très bien documentée, surtout du côté français et allemand. Il existe des ouvrages de référence comme l'album historique 12 SS Panzer-Division Hitlerjugend de Hubert Meyer aux éditions Heimdal, un livre qui n'est plus édité depuis longtemps mais qui n'a rien perdu de son intérêt. Il y a aussi les trois tomes dédiés à la 12.SS chez Maranes éditions. Sur l'opération Martlet, il y a le magazine Normandie 1944 "Combats pour Rauray 26-27-28 juin 1944".
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