Après les combats de la
Division Charlemagne à Elsenau, Historeich
poursuit sa route en
Poméranie, cette région pauvre devenue Polonaise après la guerre. Nous marchons sur les traces de la
33. Waffen-Grenadier-Division der SS "Charlemagne" qui nous emmènera dans les articles suivants à
Berlin.
Dernier point avant d'entamer le sujet, Körlin an der Persante s'appelle dorénavant Karlino, les habitants allemands ont été expulsés en 1946. Victimes de ce qu'on appelle de nos jours, une épuration ethnique. Une petite piqure de rappel, en 1932 le NSDAP avait obtenu 43,1% des voix en Poméranie.
Carte des combats en Poméranie
Voici une carte détaillée des combats en Poméranie. Avec Kolberg et Belgard cela nous aide bien à comprendre la situation désespérée des français de la Waffen SS pris dans un étau au sud, à l'ouest, à l'est...
Le 1er front Biélorusse avançait vers le nord de la Poméranie en direction de la Baltique. Avant d'atteindre Stargard et devant la résistance allemande le mouvement s'arrête pendant environ deux semaines en février 1945.
Le front soviétique reprend son offensive le 1er mars, perçant les défenses allemands avec la 3e Armée du général N. P. Simoniak et la 61e Armée du général P. A. Belov. La 1re Armée de l'armée polonaise progresse également au sein de ces unités. Les 1re et 2e Armées de chars de la Garde de M. E. Katukov et A. I. Radzievsky entrent ensuite dans la bataille. Du 2 au 4 mars, de violents combats ont lieu dans la partie centrale de la Poméranie orientale.
Les Soviétiques bousculent tout, une poche se dessine, l'ordre est donné aux Français de rejoindre Köslin puis contre-ordre ils doivent protéger la route ouverte vers Kolberg, la laisser libre pour que les civils puissent rejoindre la côte, la laisser libre aussi pour que les troupes en retraite puissent s'y rassembler. Il va falloir tenir et affronter le choc.
Journée de 1er et 2 mars 1945, la retraite de la Charlemagne
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Waffen SS français de la Division Charlemagne en retraite en Poméranie |
Après de violents combats à Hammerstein, Elsenau, la Division Charlemagne qui est arrivée de manière éparpillée sur le front, retraite vers l'Ouest puis remonte en direction du le nord. Après une longue marche, il est décidé de faire une pause avant la ville de Belgard (Bialogard) qui est toujours tenue par les Allemands.
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Sur cette carte polonaise plutôt bien détaillée, nous voyons le village de Boissin (Byszyno) et Sternkrug, hameau au niveau du passage à niveau. Les flèches rouges indiquent le sens de la marche, notamment vers Belgard.
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L'entrée du hameau de Byszyno où s'installe l'Inspection allemande
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L'inspection allemande (SS-Brigadeführer Krukenberg), prend ses quartiers dans le petit village de Boissin à 9 km au sud de Belgard, une autre dans un champ balayé par les vents et la pluie près du hameau de Sternkrug. Les hommes fatigués dorment à même le sol, dans les fossés, certains creusent des abris dans la terre sablonneuse. Les plus chanceux ont gardé leurs toiles de tente.
Le Waffen-Grenadier Blanc se souvient de Sternkrug :
"Nous
n'avons monté nos tentes, et nous avons dormi à l'air libre, un peu
n'importe quand et n'importe où, en tous cas jamais assez longtemps...La
marche depuis Neustettin jusqu'au point de regroupement avant Belgard avait été épuisante (environ 80 km d'une seul traite, soit près de 24 heures coupées par une halte de deux heures environ)."
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Extrait d'une carte éditée sous le III.Reich. Le hameau de Sternkrug était aligné le long de la route et desservi par le train jusqu'à Belgard, les français n'utiliseront pas cet avantage.
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La route vers Belgard de nos jours |
Christian de la Mazière témoigne :
"Nous n'avions que peu de choses avec nous. de même que l'armement, le ravitaillement était demeuré à Hammerstein."..."Accompagné de quelques uns de mes hommes, je décide pour ma part, de faire une descente à Belgard (Bialogard). Nous sommes accueillis par quelques civils qui restent."
Belgard
La ville de Belgard était un point stratégique dans le système de défense allemand, tenir la ville était la garantie d'assurer l'évacuation de la population et des troupes vers la mer Baltique, vers Kolberg d'où ils pouvaient être évacués par bateau.
Les combats y ont été particulièrement féroces même si sa défense s'est écroulée d'un coup. Dans la ville, il existe quatre mémoriaux de l'Armée rouge avec à leurs pieds des tombes et des fosses commune regroupant au total plusieurs milliers de morts.
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Belgard (Bialogard) dans les années trente. Le sud de la ville avait été détruit par l'artillerie soviétique en mars 1945.
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Dans la nuit du 1er au 2 mars, les bataillons français reprennent leurs marches, dépassent Belgard et s'installent dans les villages plus au nord.
Le Waffen-Grenadier Blanc :
"Nous
emportions un maximum d'armement léger. les fusils et les Sturmgewher
battaient notre poitrine, nous faisaient ployer le cou. le plus pesant,
c'étaient les mitrailleuses MG 42 qui, avec leurs bandes, faisaient
tout de même vingt kilos."
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La sortie de Belgard en direction de Körlin. Cette route a été empruntée par les Waffen SS français aussi bien pour prendre ses positions dans le secteur de Körlin que lorsque la division a été obligée de percer vers l'ouest. A gauche, nous apercevons la caserne qui a servi au Volkssturm local et le 375. I.R der Reserve. |
Quelques Français sont néanmoins laissés à Belgard, Christian de la Mazière se souvient :
Pour assurer la défense de Belgard, ces hommes ont pu être envoyés sur la ville de Standemin. D'après
les archives russes, dès le vendredi 2 mars, les unités de
reconnaissance de la 1re brigade de char soviétique du Capitaine
Manukyan remontent du sud au nord avec la mission de précéder la brigade
sur l'axe Shivelbein-Gross Rambin-Standemin. Il s'agit de reconnaitre les forces allemandes dans le secteur et surtout en direction de Belgard,
transformée en forteresse (festung). Pour ce faire, les Soviétiques
sont équipés de véhicules blindés de fabrication américaine M-3
Scout.
Le détachement soviétique se heurtent à une forte résistance près de Standemin, et font quelques prisonniers qui révèlent que dans la ville il y a de nombreux
éléments de la Charlemagne, les 26 et 129 bataillons Volkssturm soutenus
par trois batteries d'artillerie et des canons d'assaut d'autres unités
allemandes.
Le
lendemain, le 3 mars, nouvel accrochage et cette fois des SS français
sont faits prisonniers lorsqu'ils ne sont pas tués, ils sont tout de
suite interrogés. Les Soviétiques apprennent que les troupes allemandes
sont en retraite et quittent la ville en direction de Belgard et que le Volkssturm y effectuent déjà des travaux défensifs à l'approche de la ville. Ils apprennent aussi que la Charlemagne se
compose de deux régiments à deux bataillons, chaque bataillon d'un
maximum de 400 personnes. Qu'elle a encore des canons de calibre 75 mm,
des canons de campagne de 105 mm et jusqu'à 25 à 30 Panzerfauste.
Enfin que les prisonniers ont été coupé du reste de la division à
l'approche de Belgard.
Réorganisation de la Charlemagne
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Les différentes positions tenues par les Waffen SS Français. On voit clairement que le dispositif de combat est orienté vers l'est avec la Persante en "protection". Malheureusement, la position la plus à l'ouest, Gross Jestin, sera la première à tomber, obligeant un repositionnement stratégique et surtout la prise de conscience qu'une poche alors en formation est en train d'être fermée.
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Kerstin : PC divisionnaire du SS-Brigadeführer Krukenberg, 9./57 Leroy et 1./BM Pignard-Berthet
Waffen-Grenadier Regiment der SS aux ordres du Waffen-Sturmbannführer Raybaud comprenant 2 bataillons :
Redlin : Bataillon Fenet
Körlin : Bataillon Bassompierre
Kowanz : Sanitäts-Kompanie du Waffen-Hauptsturmführer Bonnefoy
Bartin-Mechetin-Peterfitz : Waffen-Grenadier Reserve Regiment der SS placé en réserve aux ordres du Waffen-Hauptsturmführer de Bourmont.
Gross Jestin : Services divisionnaire-train automobile-Pionier-Zug aux ordres du SS-Sturmbannführer Katzian
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Le château de Kerstin, PC divisionnaire du SS-Brigadeführer Krukenberg
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Le château de Kerstin, maintenant en ruine. C'est à peu près tout de ce qu'il reste de la période "allemande" du village. |
La réorganisation de la division est trop rapide. La cohésion déjà délicate mais qui s'était un peu construite à l'épreuve du feu est détruite. Un bataillon entier, le II./58 est affecté au Regiment "De Bourmont" placé en réserve, alors que ce même bataillon n'a pas encore combattu. C'est là tout le drame de cette division hétérogène et mal commandée.
L'ordre arrive, le Regiment "Raybaud" doit tenir Körlin face aux Soviétiques. Le Regiment "de Bourmont", un peu plus au nord, doit s'établir le long de la Persante. L'axe principal menant jusqu'à Kolberg doit rester ouvert pour permettre l'évacuation des civils et des unités allemandes en retraite.
Le bataillon Fenet prend position à Redlin (Redlino) au sud-est de Körlin. Plus au sud à mi-chemin entre Redlin et Belgard les Volkssturm tiennent le village de Komet (Trezbiele), il y érigent des barricades en travers de la route. Situé au plus près de Belgard, le bataillon Fenet considéré comme très combatif et le mieux équipé est donc placé en première ligne si Belgard tombe. Le commandement divisionnaire avait donc anticipé la chute de la ville.
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Le bataillon du SS-Obersturmführer Fenet constitue la pointe est des positions françaises. A sa droite, les Volskssturm tiennent Komet tandis que Belgard est confié au 375.IR der Reserve et aux jeunes Hitlerjugend.
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Kowanz
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Situation autour de Körlin. L'assaut soviétique étant attendu à l'est, la Sanitäts-Kompanie prend place à Kowanz,
une position en retrait puisque les infirmiers et médecins se sont pas
des combattants. Les choses se compliqueront puisque les russes
arriveront pas l'ouest.
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Kowanz est un petit hameau situé à quelques kilomètres à l'ouest de Körlin. Fondé au XIIIe siècle par des colons allemands, il était
appelé à l'époque "Kuwantze" qui venait lui même du mot slave "Kowacz",
"forgeron".
Le hameau se trouve sur la route Kolberg-Gross
Jestin-Körlin-Belgard, ce qui facilite les communications de la division.
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Pierre Bonnefoix ici avec le grade de SS-Oberscharführer
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La Sanitäts-Kompanie prend ses quartiers à Kowanz (Kowancz),
en arrière de la ligne de front suivant le plan initial. La compagnie sanitaire est commandée par le Waffen-Hauptsturmführer Bonnefoy.
Robert Désert se souvient :
"le soir du 1er mars, nous avons quitté Belgard et sommes allés jusqu'à un village appelé Kowanz, situé à proximité de Körlin, bourg où été regroupé la majeure partie des unités rescapées de la Brigade française. Kowanz se trouvait à 9 kilomètres environ au Nord-ouest de Belgard
et nous y sommes restés environ 48 heures. Nous étions cantonnés dans
une ferme d'élevage dont les installations m'ont particulièrement frappé
en raison de leur aspect extrêmement moderne."
A 4,5 kilomètres au nord-ouest de Kowanz se trouvait le village de Kerstin, PC de l'inspection allemande du SS-Brigadeführer Krukenberg.
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Entrée du hameau de Kowanz, c'est par cette route que les waffen SS français de la Sanitäts-Kompanie sont arrivés.
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Kowanz est resté un petit hameau |
Körlin, 3 mars 1945, la Charlemagne prend position
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Körlin vers la fin des années 30 |
Depuis la veille au soir les Soviétiques approchent du flanc ouest de la
division, des troupes ennemies sont aussi signalées en direction de Kolberg. En ce matin du 2 mars la météo este exécrable, il y a un vent très violent et froid et il neige.
Le bataillon du Waffen-Haupsturmführer Bisiau arrive de Greifenberg (Gryfice) et vient gonfler les effectifs du Regiment placé en réserve. Le Poste de Commandement du Regiment est situé sur la place principale de Körlin, certainement à la mairie.
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Waffen-Obersturmführer Joubert était le médecin du bataillon Bassompierre à Körlin. Il disparait, certainement tué, lors de la tentative de percée. |
De retour à Körlin, au petit jour, le Waffen-Rottenführer Gonzalès maintenant au Régiment de Marche, est alerté par la canonnade de plus en plus proche. Il rejoint le Waffen-Haupsturmführer Bassompierre à son poste de commandement dans un grand bâtiment au centre de la ville (mairie).
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Körlin
avant guerre, près du centre ville nous apercevons déjà la mairie.
Quelques éléments de la division du Regiment 57 logeaient dans ces imposantes maisons |
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le village n'a pas beaucoup changé depuis les années 30 et c'est tant mieux. Depuis ces photos, les maisons ont été rénovées.
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La mairie de Körlin fut érigée par Ernst Hoffman durant les années 1912-1913 |
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La mairie restaurée reste une belle bâtisse |
Le Waffen-sturmbannführer Raybaud est grièvement blessé !
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Waffen-Sturmbannführer Raybaud, Kampfkommandant de Körlin |
Vers 12 heures, le kommandant du regiment, Raybaud se dirige vers le pont sur la Persante situé à la sortie ouest de la ville sur la route menant à Stettin. Son intention est de rappeler aux pionniers de ne pas détruire le pont puisque celui-ci est indispensable tant au repli des postes avancés de la compagnie qui sont situés à 500 mètres de l'entrée de la ville, qu'en prévision de l'arrivée imminente de blindés allemands annoncés en renfort à Körlin.
Lorsque Raybaud arrive au pont, la seule activité ennemie qu'il note est un feu violent d'armes légères contre un bâtiment surmonté d'un clocher à quatre vingts ou cent mètres à sa gauche. Le tir sans doute d'une unité de reconnaissance ennemie car le gros des troupes soviétiques est encore à 20 kilomètres plus à l'est.
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Le bâtiment qui reçoit des tirs violents, décrit dans le texte, est sur notre droite |
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Le bâtiment et son petit clocher dans le texte. |
Le Waffen-Sturmbannführer Raybaud se souvient :
"Lorsque je me trouvais aux abords du pont, les blindés (soviétiques) étaient seulement visibles à la jumelle, à deux kilomètres au moins de distance, ils ne pouvaient être valablement identifiés, les avant-postes installés à 500 mètres sur un mouvement de terrain en avant du pont étaient en place, je les avais toujours là, avant qu'un obus éclatât dans la rue conduisant au pont".
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Vue des lieux de la blessure de Raybaud |
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Le
pont, Persantenbrücke, avant son dynamitage par les sapeurs allemands, vu la construction il fallait une bonne quantité d'explosifs.
Il sera reconstruit en bois jusqu'en 1968, année où il est remplacé par
un ouvrage particulièrement laid en acier. |
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Le
pont sur la Persante aujourd'hui, en direction de l'ouest, des Russes.
Depuis la prise de cette photo, le pont a été intégralement rénové.
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Avec l'explosion de l'obus, Raybaud s'écroule, le Waffen-Hauptsturmführer De Perricot se précipite sur lui et constate que le genou droit de son chef est broyé et le tibia gauche est fracturé à deux endroits. Il est 12h30.
De la Mazière raconte :
"Les soviétiques, maintenant arrivent en force. Ils avaient commencé, à l'est, par tester nos défenses : elles tenaient solidement. on pressent désormais qu'ils attaqueront par le sud-est. les défenseurs de Belgard, nous venions de l'apprendre, avaient cédé. Les Français, qui y combattaient aux côtés des allemands, se repliaient vers Stettin, ils ne viendraient pas nous renforcer".
Le samedi 3 mars tard dans la soirée, la population a ordre d'évacuer la ville, les rues sont enneigés et encombrés de civils en fuite. L'Armée Rouge n'est plus qu'à une dizaine de kilomètres. Le dimanche 4 mars, les bombardements commencent de tous côtés.
Le pont sur la Radew encore miné !
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Localisation du pont à l'entrée ouest de la Ville
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Le pont a été construit dans les années 30, la météo est comparable à l'entrée en ville de la division |
Un autre pont est situé à l'ouest de Körlin, la route menant à Belgard. C'est par cette route que les Waffen SS sont entrés dans la ville, c'est aussi par cette route et ce pont que des groupes du Regiment "de Bourmont" évacueront la ville lorsque l'heure de la retraite aura sonné. Naturellement il est aussi utilisé par les civils qui évacuent la région.
Christian De la Mazière a la mission de défendre ce pont. Des nids de mitrailleuses sont installées, des abattis sont créés pour faire obstacles aux blindés, ils sont renforcés par l'apport de mines antichars. Des pionniers de la Wehrmacht installent des explosifs sous le tablier.
De la Mazière :
"A l'approche du soir, des fumées imprécises ponctuent le sud et s'alourdissent, on a miné l'entrée sud de Körlin, le pont qui franchit la rivière; d'un coup une file de charrettes jaillit de Belgard, tourne au bas de la ville, et avale au galop le pont miné en direction de l'ouest." (celui où Raybaud sera grièvement blessé).
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Le pont sud juste avant les débuts de déminage des charges explosives posées par les pionniers allemands le 10 juin 2001,
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2008. Combien de milliers de voitures et de piétons sont passés sur un pont miné sans le savoir ? |
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les explosifs, près d'une demi tonne, avaient encore leurs câbles de mise en marche et étaient encore fonctionnels ! |
La maison du garde barrière
Le bataillon Bassompierre contrôle pour sa part la route de Köslin à l'est de Körlin
"Ce qui restait des canons de 75 de la 9./57 de Leroy fut aussi placé à Kerstin, avant d'être transféré à Körlin. Installant ses quartiers dans la maison du garde-barrière, Leroy alla dormir à l'étage."
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Les
quartiers du chef de la 9. Kompanie. La maison du
garde barrière faisait aussi hôtel-restaurant |
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La maison toujours debout avec le passage à niveau. Derrière nous le centre ville de Körlin, en face la route pour Köslin |
L'infanterie soviétique de la 1re Armée blindée franchit la Persante au sud-ouest de Körlin mais le bataillon du Waffen-Hauptsturmführer Fenet qui a son PC à Redlin tient bon. Les Soviétiques reculent jusqu'à la lisière de la ville, aux abords des forêts.
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Poussée soviétique sur Körlin et Redlin. Les hommes des deux bataillons constituent une ligne de front entre les deux localités. |
4 mars 1945, Accrochage à Gross Jestin !
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Plan de Gross Jestin avec la progression des russes venant du sud et se heurtant aux Waffen SS français qui montent la garde à l'entrée du village
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Gross-Jestin est un petit village typique de Poméranie. C'est par cet axe que les soviétiques vont investir le village. Gross Jestin est à l'origine une petite ville teutonique qui porte ce nom depuis 1334. En 1807, l'Armée napoléonienne en marche vers Kolberg y a installé l'Etat Major de la division italienne.
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Gross Jestin est la position la plus à l'ouest du dispositif de la Charlemagne, située à seulement 18 kilomètres de la ville portuaire de Kolberg, les Français prennent leurs quartiers dans l'école municipale. Les unités sous les ordres du SS-Sturmbannführer Katzian étaient composées du service divisionnaire, du train automobile et un Pionier-Zug apporté en renfort de Greifenberg, sous les ordres, peut être, du SS-Untersturmführer Hegewald. Il faut compter aussi sur les unités Volkssturmm, le "Volsksturmm-Bataillon Grossjestin" dont l'un des professeurs d'école de la ville, Gerhard Lips, disparait dans les combats de mars 1945.
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L'école de Gross Jestin avant 1945. Ancien Poste de Commandement des Waffen SS Français sur la Schulstrasse
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L'école de Goscino (Gross-Jestin)
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Le soir du 3 mars 1945, le commandant de compagnie informe les hommes que les Russes occupent Schievelbein (Swidwin) puis progressent rapidement en direction nord, vers Kolberg. Gross-Jestin est donc directement dans l'axe de progression !
Il est décidé alors de former deux sections avec les restes de la Compagnie d'Etat Major. Celles-ci seront postées à tour de rôle à l'entrée sud du village, sur la route de Schievelbein.
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Waffen-Rottenführer de la Stabskompanie
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Waffen-Rottenführer Robert S, secrétaire à la Stabskompanie se souvient
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"Schwander et moi étions affectés à la 2.Zug qui relèverait la 1.Zug à 2 heures du matin. La nuit s'écoulait calmement et vers 1h30, nous (une vingtaine d'hommes) partions procéder à la relève prévue.
Gross-Jestin se trouvant à un carrefour de 2 routes importantes et quasiment bloqué de ce fait par des colonnes interminables de réfugiés l'une venant de l'Est et l'autre, plus réduite, venant du Sud vers le Nord. Tout semblait bloqué mais calme et silencieux.
Vers le sud, la route se trouvait encaissée entre 2 talus et notre section monta sur le talus de droite, l'arme à la bretelle et colonne par deux, assez "relax".
A un moment, la colonne s'arrêta, tandis qu'un homme en tête nous cria : "Hé, les gars, voilà des "popofs" prisonniers !" "presque aussitôt, un autre cria "Mais attention : ils sont armés".
Puis, je vis en quelques secondes, un spectacle plutôt cocasse : les premiers de chez nous, levant les bras, faisant face à quelques soldats ennemis dans la même position ! Bien sûr l'épisode fut très court, le
feu fut ouvert de part et d'autre, bien plus nourri en face que chez
nous grâce au nombre d'armes automatiques présentes. La queue de colonne de chez nous courut vers la dernière maison du village, dont les gars escaladèrent le mur du jardin."
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Roger Schwander porté disparu le 4 mars 1945, il a été blessé lors de l'attaque sur Gross Jestin.
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Dans les rangs français c'est la débandade, durant un court laps de temps, des français montent rapidement dans les
derniers camions de la division et partent en direction de l'ouest.
Les fantassins soviétiques qui investissent Gross-Jestin sont rapidement appuyés par les blindés de la Garde de la 45e brigade Gusyatinskaya (45 Gv.TBr du Colonel Nikolay Viktorovich Morgunov) du 11e Corps Blindé de la Garde (Colonel Babajanyan Amazasp Khachaturovich), la brigade est renforcée par le 39e regiment de mortiers de la Garde ainsi que par les canons d'artillerie automoteurs de la 362e. Les Soviets traversent la ville, écrasent les chariots des réfugiés et dans le feu de l'action capturent plusieurs Waffen SS français. Le nettoyage de Gross Jestin est
fait par la 27e brigade de fusiliers motorisés de la Garde.
Le Waffen-Rottenführer Robert S est parvenu à s'échapper, à pieds, il a pris la direction de Kolberg. Après une très longue marche, il est fait prisonnier...par les anglais. Séparé de son ami Schwander à l'arrivée des soviets dans le village, il n'apprendra que quelques années avant sa mort que son ami avait finalement survécu.
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1945. T34-85 de la 45e Brigade Blindé de la Garde. L'insigne tactique sous forme de losange est appliqué sur la tourelle
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Organiser le repli de la division
A la fin du 4 mars, dans la région, la situation des forces allemandes est dramatique. De Kolberg au sud-est de Belgard, les débris de 4 divisions allemandes, dont la Charlemagne se retrouvent encerclés. Les 1er et 2e Front biélorusse ont fait jonction, la 45e brigade de chars de la Garde du colonel N. V. Morgunov est déjà sur la Baltique.
Dans la soirée du 4-5 mars, la division reçoit l'autorisation d'Heinrich Himmler de se replier. Le General von Tettau dispose encore d'environ 10.000 hommes (Charlemagne comprise), ces troupes doivent percer à l'ouest. Le General Rauss ordonne à la division de se regrouper près de Greifenberg (Gryfice) avec comme objectif de fixer les Soviétiques.
Le décrochage doit s'effectuer vers Belgard qui tient toujours grâce au sacrifice d'un bataillon du Korpsgruppe Munzel (Generalmajor Oskar Munzel) de la I.Panzerarmee
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Le Waffen-Standarten-Oberjunker der SS Louis Anneshaensel, médecin du Bataillon de Marche Fenet réussira à fuir Körlin avec son bataillon mais certainement tué sur une plage de la Baltique il sera porté disparu. |
Le Régiment de Bourmont (2 bataillons) qui était en réserve, doit décrocher en second avec le Waffen-Oberführer Puaud.
Le Bataillon Bassompierre doit constituer l'arrière-garde et les hommes du Waffen-Hauptsturmführer Remy fermeront la marche. C'est à eux d'engager les durs combats retardataires, forcément meurtiers.
Décrochage du bataillon Fenet
Les restes du bataillon Fenet (près de 500 hommes) décroche en premier avec l'Inspection allemande, le SS-Brigadeführer Krukenberg mène lui-même la direction. L'unité est appelé "Stosstgruppe des verstärkten",
groupe de choc renforcée, donc différent d'un bataillon. L'unité de par
son nom et sa "puissance" est destinée à forcer les lignes adverses
pour réussir la percée et permettre ainsi au reste de la division de
s'y engouffer.
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SS-Obersturmführer Fenet |
Entre 1 heure et 2 heures du matin, la Stosstrupp arrive devant Belgard. Il fait clair comme en plein jour. La ville brûle partiellement. Les Allemands de la Wehrmacht
qui défendent cette ville se battent au corps à corps. Les rues sont
encombrées de cadavres et de véhicules abandonnés, sur qui les maisons
s'écroulent. Comme les villes de Rummelsburg, Neustettin, les combats à
Belgard sont acharnés. Pour les Soviétiques, la tactique est rodée. Les
chars sous le commandement des généraux Katukov, Bogdanov,
Panfilov, les cavaliers des généraux Oslikovsky et Krukov combattent la
nuit en laissant aucun répit aux défenseurs exténués de fatigue. Lorsque les
points de résistance sont dépassés, les fusilliers soviétiques entent
alors en action, ils consolident les lignes acquises et nettoient les
derniers centres de résistance.
Les hommes de Fenet et l'Etat Major allemand poursuivent leur route, longent le cimetière nord de Belgard et retrouve l'abri des forêts plein Ouest. Le premier bataillon passe donc Belgard sans problème, il n'en sera pas de même pour les bataillons suivants.
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Le cimetière nord de Belgard, longé par les Waffen SS français
avant qu'ils ne s'engouffrent dans les forêts à l'Ouest. Après la
guerre, les polonais vont détruire toutes les tombes civiles allemandes,
y compris celles d'avant la seconde guerre mondiale. Ils feront la même
chose avec les soldat allemands et français tués en mars 1945. |
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Monument au mort de l'Armée rouge à la sortie nord de Belgard.
Créé en 1945, il a ses pieds 143 tombes et une fosse commune de 623
Soviétiques inconnus. La dernière inhumation a eu lieu en 1945.
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Décrochage du régiment de Bourmont
La 2.Kompanie du Waffen-Untersturmführer Rigeade constitue l'avant-garde du 2e bataillon. Elle passe devant la gare avant de prendre le pont de chemin de fer et de
s'enfoncer dans la forêt.
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sortie de la ville, la route de Köslin et la voie ferrée que prendront les hommes de la Charlemagne |
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Avant guerre, la gare en imposait mais elle est victime d'un incendie en 2002 |
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2008.
si vous êtes observateur par rapport à la photo d'avant guerre vous
remarquez que la gare a été coupée au niveau de l'horloge |
Pierre Rostaing :
"Lorsque nous
pénétrons dans Körlin, tout est silencieux. Des hommes et des femmes se
glissent le longs des murs, chargés de lourds ballots. Les rues sont
éclairées comme en plein jour par des projecteurs. Nous gagnons sans
nous arrêter la forêt en avant la ville à l'Est. Sur la route spectacle
d'horreur. "
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vue sur la forêt depuis le pont de chemin de fer, la 2.Kompagnie Rigeade s'y engouffre. |
Waffen-Untersturmführer de Genouillac du II./58 se souvient :
"Nous
devions abandonner tous nos véhicules, toutes nos armes lourdes, tous
les blessés (ça, ça fait mal à entendre), les chevaux conduits à la main
devraient avoir les sabots enveloppés de chiffons. Traversant les
ruines de Körlin, nous devions emprunter la route de Belgard, pour tenter de percer au fond de la poche, endroit supposé être le moins tenu"...
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Waffen-Untersturmführer de Genouillac |
..."de façon surprenante, les Russes n'avaient pas dépassé Belgard, de telle sorte que nous arrivâmes sans encombre à proximité de cette ville, éclairée à giorno par les incendies, où retentissaient des tirs sporadiques."
Les incendies de Belgard ont été contestés par certains vétérans pourtant le témoignage de Otto Holznagel du Reserve IR 375 confirme le témoignage du Waffen-Untersturmführer de Genouillac, Otto Holznagel se souvient :
"J'ai vu comment les bâtiment de la Wiesenstrasse brûlaient. Les vitrines des magasins étaient presque toutes brisées. Dans un des coins, j'ai vu les premiers morts."
Pour le deuxième échelon de la division, la traversée de Belgard n'est pas aussi facile. Durant la nuit, la reconnaissance soviétique a été active, pour l'Armée rouge la mission est de s'emparer des ponts sur la Persante et de les défendre jusqu'à l'arrivée de troupes plus puissantes. Un groupe de reconnaissance de 20 hommes mené par le quartier-maitre Verayev a pour mission de s'emparer de l'un de ces ponts. Après avoir étudié les cartes et interrogé les habitants de la région, au crépuscule, le groupe approche furtivement de Belgard. L'un des ponts est gardé par deux sentinelles, d'autres hommes armés de Panzerfausten sont placés plus loin. Les deux plantons qui gardaient le pont sont éliminés par six hommes, vraisemblablement à l'arme blanche. Deux sergents soviétiques endossent alors les uniformes allemands des soldats qu'ils venaient de tuer. Leur mission est de garder le pont. Les 18 autres membres du groupe se positionnent aux abords du pont, près à faire feu de leurs armes.
Le jour se lève, l'artillerie russe se réveille et bombarde Belgard. Au même moment, un important groupe de soldats "allemands" s'approche du pont, les Soviétiques font feu de toutes leurs armes. 4 Allemands sont tués, leur chef de groupe est capturé, il s'agit en réalité d'un SS-Rottenführer Français.
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Waffen-Oberführer Puaud commandait le Régiment de Réserve lorsqu'il est grièvement blessé près de Belgard. Son corps n'a malheureusement jamais été retrouvé ou du moins identifié.
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Le 5 mars, le régiment de réserve a contourné Belgard et vers 8 heures du matin, couvert par le brouillard, il s'apprête à faire mouvement à travers une large plaine lorsqu'ils sont
pris à partie par l'artillerie Russe. Balayé par les mitrailleuses,
l'intervention des chars, les hommes de Puaud tombent par dizaines,
c'est la fin, la reddition ou la mort, d'autres plus chanceux
parviennent à prendre la fuite.
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Plaine du côté de Belgard,
pour beaucoup de français cela signifiera la fin des combats, ils vont y
mourir quand les plus chanceux seront faits prisonniers.
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Waffen-Oberführer Puaud commandait le Régiment de Réserve lorsqu'il est grièvement blessé près de Belgard. Son corps n'a malheureusement jamais été retrouvé ou du moins identifié.
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Un français se souvient :
"après avoir contourné Belgard nous arrivons au trop grand jour dans un bois où à peine installés nous recevons des obus. débandade des hommes et chevaux sur un plateau où canons, chars, mitrailleuses tirent trop haut exprès, Dieu merci. Prisonnier vers 10h".
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Forêt près de Belgard, les Waffen SS français isolés
s'y engouffrent pour tenter d'échapper aux soviets. Quelques crosses de
fusils Mauser 98K, casques et boutons y ont été retrouvés. La photo a été prise a l'été, loin de l'ambiance hivernale de mars 1945.
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Belgard, la fin des combats
Comme
nous avons pu le lire, Belgard était un point de résistance essentiel.
Sans le sacrifice des défenseurs de la ville, une partie non négligeable
de la division Charlemagne n'aurait pu décrocher vers l'ouest, et dans
un sens combattre à Berlin.
Odin Grenz est encore un enfant lorsqu'il doit quitter la ville de Belgard avec sa famille, il se souvient :
"Au soir du 3 mars 1945, il y eut à Belgard
une alerte aux chars. les habitants furent invités par haut-parleur à
quitter la ville en raison de l'approche de la zone de combats.
En
quelques minutes des centaines et des centaines de personnes se
rassemblèrent sur la place du Marché. Il n'y eut aucune organisation
pour ordonner le repli. Les habitants, pris de panique, se précipitèrent
hors de la ville, en direction de Kolberg, avec les paquets qu'ils pouvaient transporter.
Au même moment des éléments de la Wehrmacht
battaient en retraite dans la même direction. les fuyards entraînés
dans cette panique devaient continuellement libérer les voies d'accès
pour les militaires"...
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Les civils ont payer un lourd tribut
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..."Dans
le lointain nous entendions le grondement continu de la canonnade et le
ciel était rouge des fermes qui brûlaient. il n'y avait plus aucun
espoir de fuite vers Kolberg.
Je ne pardonnerai jamais aux hommes de l'Armée allemande de nous avoir abandonnés dans une situation aussi terrifiante. Il
y eut dans ma famille des personnes que la panique conduisit au
suicide.
Après deux jours dans la forêt, nous nous apprêtions à mourir. Subitement, à un carrefour dans les bois près de Belgard,
nous vîmes des officiers allemands en très vive discussion; ils
tenaient en main leur arme de service. Ma mère s'est avancée vers les
officiers et les a priés de nous ramener à Belgard. Cette prière fut immédiatement rejetée.
Sur
ce ma mère revint vers nous le pistolet en main pour nous tuer.
La dessus, un officier retrouva aussitôt son bon sens et donna des
ordres à des soldats qui jusque là s'étaient tenus en arrière-plan, deux
soldats qui étaient très fortement armés reçurent mission de nous
accompagner vers Belgard. Ces deux soldats nous avaient immédiatement redonné courage en raison de leur aspect martial.
Je
ne peux plus dire avec précision pendant combien de temps nous avons
marché à travers les bois. Pas davantage, je ne peux me souvenir s'il y
avait déjà des combats. Ma mère pleine de reconnaissance avait essayé
d'avoir une conversation avec les soldats, mais cela avait été à
l'évidence impossible; ils s'étaient contentés très amicalement
d'indiquer la direction de marche.
A la lisière de Belgard, dans le bois de la ville, ma mère avait redemandé la direction à suivre et remercié très chaleureusement les soldats. Nous
avons alors remarqué, à notre grand étonnement, que les deux aimables
soldats ne comprenaient pas un traître mot d'allemand !"
Sans le savoir, il ne le saura que de longues années plus tard, Odin Grenz venait de rencontrer des hommes de la Charlemagne, certainement du Bataillon Fenet.
Le
5 mars 1945, l'avant-garde de la 1ère brigade de char (soviétique) est
chargée de la reconnaissance sur Belgard, de prendre les ponts sur la
rivière Persante et d'affiner les connaissances sur les forces ennemies.
Un
groupe de reconnaissance composé de 13 éclaireurs, 3 opérateurs radio
et 4 sapeurs, dirigé par le quartier-maître Veryaev reçoit pour mission
de prendre un des ponts sur la Persante et surtout de le tenir. Après
avoir étudier l'itinéraire et interroger les habitants, les éclaireurs
utilisent le terrain accidenté et s'approchent furtivement de la ville
et constatent que le pont est gardé par 2 sentinelles et que les abords
sont gardés par d'autres soldats équipés de Panzerfaust. Profitant que
le jour ne soit pas encore levé, 6 hommes approchent de l'ouvrage et
tuent les deux sentinelles sans un bruit. Leurs uniformes leurs sont
aussitôt retirés et endossés par 2 sergents russes aux noms de Alesyanan
et Yelfimov. Alors que le jour se lève et que l'artillerie russe entre
en action, un groupe de soldats en tenue feldgrau approchent du pont.
Les Russes ouvrent le feu, 4 soldats sont tués et le chef de groupe, un
feldwebel ou plutôt un SS-Rottenführer répondant au nom de Valon est
capturé. Le Français avait reçu l'ordre de son commandant de faire
exploser le pont, ce qui malheureusement ne sera pas fait.
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A la fin des combats des soldats français prisonniers seront gardés par les Soviétiques à la gare de Belgard.
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Dans la matinée du 5 mars, Belgard tombe, finalement la résistance aura été faible. La 1re Brigade de char entre dans la ville puis
continue son chemin tandis que la 20e Brigade est chargée de nettoyer
la ville. Aux alentours de la ville, les troupes soviétiques ne
relâchent par leurs efforts, dans les champs et forêts, les unités
allemandes sont soit faites prisonnières soit détruites. Les archives
russes mentionnent 1300 soldats allemands tués et 500 capturés, 14 chars
sont détruits ainsi que 16 véhicules de transports blindés. Les hommes
de Puaud entrent malheureusement dans cette liste. Le SS-Sturmbannführer de Vaugelas :
"Entre le débarquement de la division
en gare d' Hammerstein et le 5 mars 1945, les pertes de la division
s'élevaient à 600-700 hommes."
Certains Waffen SS faits prisonniers dans les environs de Belgard sont emmenés et rassemblés en la gare de Belgard où ils y restent pendant une journée et nuit entière. C'est le cas du Waffen-Rottenführer Jean Sepchat du Pionier-Zug
Un message officiel du Maréchal Joukov salue la prise de Belgard :
Pour
commémorer la victoire obtenue, les formations et les unités qui se
sont distinguées le plus remarquablement dans les batailles pour la
prise des villes de Belgard, Treptow, Greifenberg, Cummins, Gülzow et
Platte recevront des ordres.
Aujourd'hui,
6 mars, à 22 heures, la capitale de notre Patrie, Moscou, au nom de la
Patrie, salue les vaillantes troupes du 1er Front de Biélorussie, qui
ont pris les villes citées, avec vingt salves d'artillerie tirées de
deux cent vingt-quatre canons.
Pour
l'excellence des combats, je déclare ma gratitude aux troupes dirigées
par vous qui ont pris part aux batailles pour la prise des villes
nommées de Poméranie.
Gloire éternelle aux héros tombés dans les batailles pour la liberté et l'indépendance de notre patrie !
Mort aux envahisseurs allemands
L'occupation de Belgard
Entre le 3 et 6 mars, Belgard fut comme morte puis les habitants ont commencé à retourner dans leur ville.
Le
10 mars, des groupes de Russes totalement ivres parmi lesquels beaucoup
de mongols, violent, pillent et parfois tuent, ces crimes odieux
continueront ponctuellement pendant encore quelques mois.
Que dire des soldats allemands et français tombés à Belgard ?
Après les combats, une fosse commune a été creusée par la population
sous la garde des soldats soviétiques. Une fosse a été creusée par les
habitants, une centaine de soldats, et certainement un peu de civils
tués lors des combats y ont été enterrés. La localisation de la fosse
est maintenant oubliée même si d'après d'ultime témoignages son
emplacement se situerait à côté du cimetière nord.
En
septembre 1946, la population allemande restée en Poméranie sera
finalement expulsée manu-militari vers l'Allemagne. Déracinée, mal-aimée,
l'intégration sera longue et douloureuse.
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Soldat polonais patrouillant dans une rue de Belgard, dans un film d'après-guerre naturellement. Cette photo nous montre que le centre de Belgard a plutôt été préservé des combats de mars 1945. Curieusement, les habitations en fond seront détruites bien après la guerre.
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Le même endroit il s'agit de la place Wolnosci, centre de la ville. Nous voyons les bâtiment, en arrière plan, reconstruits et totalement différents de ceux du film.
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Des polonais montés sur blindé lors de la prise de Belgard, toujours le même film toujours au même endroit mais en regardant au nord cette fois.
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Même lieu, notons toutefois qu'à l'arrière plan les maisons ont été rasées. Une manière comme une autre d'enlaidir la ville
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Combats d'arrière-garde à Körlin
Avec la chute de Belgard en ce matin du 5 mars, la situation pour Körlin est dramatique. Alors que le gros de la division tente désespérément de s'arracher à l'étau, le II./RM (2ème Bataillon du régiment de Marche) du Waffen-Hauptsturmführer Bassompierre doit tenir encore quelques heures pour retarder au maximum l'avancée soviétique, même si cela ne sert plus à rien, les Russes sont dorénavant partout, dans toutes les directions.
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Waffen-Hauptscharführer Walter organise la contre-attaque au nord-ouest de Körlin
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Tôt le matin, au nord-ouest de Körlin, les Russes passent à l'attaque, traversent la Persante et s'emparent du cimetière du village. La 7./58, la compagnie Walter contre-attaque et repousse les assaillants. Durant l'assaut, le Waffen-Unterscharführer Maixandeau et un de ses camarades sont tués.
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Vue ouest de Körlin avec la Persante, nous ne sommes qu'à quelques dizaines de mètres du cimetière
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Le Waffen-Grenadier Blanc
de la compagnie Walter se souvient :
"Notre groupe a été placé sur le côté du petit chemin
menant de la ville au cimetière : je n'ai que le souvenir d'un tirs
d'armes automatiques incessant, très bas au dessus de nos têtes nous
étions évidemment en position couchée."
A propos de la mort de Maixandeau :
"J'ai d'abord appris qu'il venait d'être très gravement blessé dans le cimetière - puis, bien plus tard, qu'il était mort."
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Le Waffen-Unterscharführer René Maixandeau perd la vie dans l'attaque du cimetière de Körlin
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Un autre volontaire raconte :
"Notre
contre-attaque a peuplé la rivière d'étrange gargouillis : personne ne
peut rien pour ces blessés à demi-immergés, sans être immédiatement
mitraillé par l'autre; aussi bien, la température de l'eau ne leur
laisse guère de survie; un peu à droite, les ruines d'un pont font comme
un barrage de castor."
Pour l'arrière-garde sous forte pression ennemie il est dorénavant temps de décrocher.
Le 8e Corps blindé de la Garde avec le 20e Corps blindé de la Garde
investissent Körlin par l'ouest, depuis la Köslinerstraße. Selon les souvenirs des habitants, la ville n'était pas beaucoup endommagée.
Le Waffen-Grenadier Blanc se souvient :
"Dans
la situation où nous nous sommes retrouvés, il ne s'agissait plus de
"progression" à proprement parler, mais de sortir des lignes russes pour
rejoindre les nôtres, ce qui était de plus en plus problématique et
s'est finalement avéré impossible. le silence seul s'imposait (nous
avons alors tiré un seul coup de feu : une biche abattue pour
manger)."...
"Je
n'ai jamais perdu l'espoir; nous y étions encouragés par les bruits de
combat, lointains pour certains, que nous percevions fort bien : Dantzig, au nord, Kolberg
à l'ouest, d'autres secteurs à l'est. A la longue, un certain vide dans
la tête, une faiblesse croissante mais un vouloir-vivre toujours
présent."
Le grenadier Blanc affaiblit par les marches et la faim est à bout de force. Ne tenant plus sur ses jambes, les pieds gelés il est finalement "ramassé" dans une forêt par les Soviétiques. Bien traité, il passera 6 mois dans un hôpital russe.
La fin de Körlin, l'enfer pour les civils
Charlotte Woischke habitait Neustettin lorsque dans sa fuite elle décide de retrouver sa mère à Belgard, elle laisse un important témoignage sur les derniers jours de Körlin :
"Aux alentours du samedi 3 mars 1945, maman et Frau Wulff décident de partir le lendemain. j'ai senti que c'était la bonne chose à faire. C'était le soir où nous étions encore assis ensemble. Tout à coup la sirène d'alerte aérienne retentit. Le sirènes signifiaient "évacuations". Tout est allait très vite, nous nous sommes habillés, avons pris des ustensiles et des couvertures, et nous sommes partis dans la nuit brumeuse. J'avais encore mon vélo avec moi. Nous avons avancé très lentement. des milliers de personnes étaient à pieds. Après des heures nous sommes arrivés à Körlin.
Les enfants étaient fatigués, nous étions 30 personnes dans un tout petit espace. après un court sommeil, nous avons voulu aller plus loin. mais il n'était plus possible d'aller au-delà de Kolberg ou même de Treptow. Maintenant nous ne pouvions qu'attendre...
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L'école de Körlin utilisée par les réfugiés. Celle-ci construite en 1929 est encore debout, rue Traugutta, et sert toujours aux écoliers de la ville.
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...Nous sommes entrés dans l'école où dormaient plusieurs réfugiés mais nous n'avons pas pu y rester. Par hasard nous avons rencontré des amis qui ont mis leur maison à disposition.
Nous venions de finir de manger lorsque l'artillerie russe à tirer sur la petite ville. Tout le monde se précipita dans la cave. Nous étions environ 20 personnes.
La maison était de construction très légère. On peut imaginer comme ça tremblait à chaque coup. Nous restâmes de longues heures dans la cave en remarquant que les Russes se rapprochaient de plus en plus. Nous ne pouvions plus rester dans la maison. Je suis sorti pour pour voir où il y avait des maisons plus solides. J'ai demandé conseil à un volontaire français de la Waffen SS. Il a deviné que nous devions aller dans une autre maison.
Les Russes se tenaient devant la ville et ne pouvaient pas traverser les défenses de nos soldats sur la rivière Persante. Je suis allée chercher les autres dans la cave et nous nous sommes arrêté devant la maison du docteur Schleiss. La maison était la bonne. Nous sommes entrés mais des réfugiés étaient déjà là. La buanderie était libre, nous l'avons rendu confortable pour nous-mêmes. J'avais laissé mon vélo dehors, quand j'ai voulu le prendre il n'était plus là. peut être qu'un soldat l'a pris. Ce serait bien.
Je n'oublierai jamais cette nuit-là, j'étais éveillée toutes les 10 minutes, car la baignoire balançait toujours d'avant en arrière. (Charlotte Woischke dormait dans la baignoire). Mais la nuit est passée. La matinée commença par un tonnerre de canon. Nos volontaires SS se sont battus vraiment courageusement, mais sans chars ni armes plus puissantes, ils ne pouvaient rien contre la force supérieure des Russes. Le soir vient et les soldats ne purent plus tenir la ville.
Pendant que les soldats partaient, quelqu'un renversa un bidon de salpêtre. Tout le monde avait quitté la cave. Nous n'avions presque plus d'air à respirer.
Dehors les maisons brûlaient autour de nous, l'artillerie tirait en continu.
Que devions nous faire ? nous avons couru ici et là et avons atterri à nouveau à l'école. Mais des centaines de personnes étaient déjà là. Comme nous entrions dans la cave sombre, une odeur assez épouvantable vint vers nous. Mais plus rien ne nous importait. Comment nous avons dormi ? on ne peut pas le décrire. Dans un endroit assez petit, si vous aviez de la chance. Vous pouviez vous asseoir sur le sol en ciment. Les enfants s'asseyaient aussi dans leur propre crasse parce que personne n'osaient sortir.
Un autre jour, les tirs ont diminué, car nos soldats ne répondaient plus. Les gens étaient complètement épuisés. Tout le monde aspirait au silence et à la paix. des drapeaux blancs ont été hissés dans la ville.
La ville a émergé. Dans l'après midi du 6 mars, un mardi, les portes des caves s'ouvrirent et nous vîmes les premiers russes. je n'oublierai jamais non plus ce moment, jamais. Les femmes et les enfants allemands devaient sortir, les mains levées, et se rendre aux Russes.
Les Russes ont demandé toutes les montres et bagues. Les mains tremblantes de peur, tout a été donné. Après quelques heures, il a été annoncé que nous pouvions aller dans des quartiers privés. Nous sommes entrés dans la petite maison du village. Elle était à peine meublée. Nous avons remarqué que nous n'étions plus sous le règne allemand. Un Russe est entré dans notre maison et a voulu y vivre. Toutes les maisons étaient vides. Que devions nous faire ? les enfants ont été retirés du lit et nous étions à nouveau sans abri. Cependant, nous n'avons pas facilement quitté la maison, car les Russes ivres ont immédiatement demandé des femmes. Nous avions terriblement peur. J'ai échappé à un Russe sous ses bras et cela a attisé la haine. A l'école, nous nous sommes tous revus.
Mais ce n'était plus aussi calme qu'avant. alors que nous voulions juste partir, des coups de feu ont fusé. Il était impossible d'y rester. Encore une fois, nous avons couru plus loin. Nous ne connaissions ni rue, ni maison. Chaque maison était fermée à clé. il faisait déjà noir."
Lorsque Charlotte Woischke écrit dans son récit "Nos volontaires SS se sont battus vraiment courageusement" il s'agit évidemment des hommes du II./RM du Waffen-Hauptsturmführer Bassompierre dont les derniers éléments quittent la ville vers 22 heures, le 6 mars 1945. Ils laissent derrière eux les blessés trop gravement atteints...
Eva Keiper se souvient :
"Le front se rapprochait de plus en plus. Nous sommes restés à Körlin et y avons vécu la fin de la guerre. J'étais à nouveau devant la porte d'entrée et j'ai vu les trois premiers Russes descendre la Köslinerstraße avec des mitrailleuses, puis les soldats, puis les chars. Les panzers (chars russes -ndlr) sont passés par la Kirchstrasse et se sont dirigés vers la Schlossstrasse."
Les soviétiques, chargés de nettoyer la ville, occupent les maisons des habitants, les femmes sont chargés de faire la cuisine, le linge, le ménage et puis il y a les drames, Eva Keiper raconte :
"Nous avons alors vécu ensemble des heures, des jours et des nuits terribles et avons quitté la maison le 7 mars 1945 - sans mon père. Ce jour-là, à 10 heures du matin, deux Russes lui avaient fait signe de sortir. Nous ne savions pas que papa n'était plus en vie. Il avait été abattu dans la cave."
Lorsque les Polonais remplacent les "Russes" tout change. Début 1946, les habitants sont dépossédés de tout, embarqués dans des trains avec comme seul bagage les vêtements qu'ils ont sur eux. Direction les camps de réfugiés puis l'expulsion vers l'Allemagne ravagée et affamée.
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Waffen-Grenadier Wyckaert, faisait partie des tout derniers combattants de Körlin. En quittant la ville il est blessé en traversant un champ de mine posé par la "Charlemagne". |
C'est clair . Un grand merci ... très beau travail
RépondreSupprimerMerci à vous !
SupprimerBeau et très sérieux travail de recherche
RépondreSupprimerTres beau travail merci
RépondreSupprimerTrès intéressant !
RépondreSupprimerBonjour Pierre,
RépondreSupprimerComment pourrais-je vous contacter (Je n'ai trouvé aucun formulaire de contact ni adresse email sur votre site)? J'aimerais discuter avec vous de certains aspects de cet article !
Cordialement,
Max
Bonjour, il n'est pas possible de contacter l'un des rédacteurs de manière directe. Auparavant il y a avait la page facebook mais celle-ci n'est plus accessible pour un problème technique ou volontaire de la part de FB.
SupprimerC'est bien dommage Pierre. Vous mentionnez dans votre article sur la Charlemagne en Poméranie (et notamment à Körlin) certains participants sur lesquelles j'écris un ouvrage et il aurait été intéressant de recouper nos sources.
RépondreSupprimerSi l'absence d'accès est le résultat d'un souhait de discrétion / anonymat, vous pourriez par exemple créer une adresse email standard sur google. Cela pourrait nous fournir un moyen de communication tout en maintenant votre anonymat.
Cordialement,
Maxime
Non ce n'est pas une question d'anonymat ni de discrétion. Cet article est le résultat de plusieurs collaborateurs, photos et plans pour l'un, texte pour l'autre et assemblage par moi. il faut savoir que pour les photos je passe par un intermédiaire qui les a reçu lui même du "photographe". Par contre sur le blog, quand vous voyez un article avec une tombe et bien tout est fait maison, c'est à dire moi.
SupprimerMalheureusement pour vous, mes collaborateurs ne souhaitent -pour l'instant- aucun contact.
Hi there. I am fascinated with this story and me and my colleague trying to find the place of the massacre for the last 15 years. We are trying to find those people buried in our land to make a proper and respectful place to make them rest in peace.
RépondreSupprimerIf you have any info that would help us to find them we are able to provide you with accommodation so finally they will find the place to rest in respectfully peace, not on the field or in the forgein forest like the animals. Please get in touch with me if you have any valid information.
Kind regards,
Marcin
Bonsoir, je suis arrivé sur ce site par hasard, car je cherche des informations sur Grand-Jestin.
RépondreSupprimerMa famille était à Gross-Jestin en 1943-1945 et a vécu directement les événements des 3 et 4 mars. Mon grand-père a retrouvé plus tard trois soldats SS tombés au combat et les a enterrés.
Plus tard, il a été déporté avec 1000 autres personnes. Il a aussi parlé de quelques Français qui ont été emmenés avec lui au camp de Schneidemühl.
Merci beaucoup, j'ai maintenant eu l'occasion de détailler certains détails dans notre chronique familiale.
Cordialement
Martin