Le cargo Enns de la de la compagnie Norddeutschen Lloyd |
Durant le printemps 2024, je m'étais rendu au cimetière militaire allemand de Marigny où j'avais vu la tombe du SS-Obersturmbannführer Christian Tychsen.
J'ai profité du beau temps et j'ai continué tranquillement ma visite pour voir d'autres personnages derrière ces croix, il faudrait être fou pour rebrousser chemin après vu une seule tombe. Cette fois-ci, je fais une halte devant un officier de la Kriegsmarine qui a trouvé la mort sur un cargo qui cachait plutôt bien son jeu.
Le bateau HKS Komet
Au commencement, le Komet n'est pas un bâtiment de guerre puisqu'il était un simple vapeur cargo (Frachtschiff) de la compagnie Norddeutschen Lloyd baptisé "Ems". Construit par les chantiers Deschimag A.G. Weser à Bremen, il était entré en service avant le début de la guerre, le 16 janvier 1937.
Au début de la seconde guerre mondiale, en 1940, il est réquisitionné puis intégré le 2 juin au sein de la Kriegsmarine en tant que Leichter Hilfskreuzer, croiseur auxiliaire 45, HSK-7. Il est l'un des neuf navires marchands convertis en 1940-41. Alors à Hambourg, le "Ems" devient donc le HSK "Komet", son armement est composé de 6 canons L/45 de 15 cm, d'un L/18 de 6 cm et de 2 canons de Flak de 3,7 cm. Il est équipé aussi de 6 tubes lance-torpilles et une petite vedette rapide (Schnellboote) de la classe Meteorit (Klass LS 2) utilisée pour le mouillage des mines. Pour la reconnaissance aérienne, un avion Arado Ar 196 A1 est aussi installé.
L'utilisation des cargos civils à des fins militaires n'est pas vraiment une nouveauté puisque la même chose a été faite par les Allemands durant la première guerre mondiale. Certes, un cargo n'a pas une coque blindée comme peut l'être celle d'un navire de guerre mais il y a un autre intérêt, celui de faire passer le bateau pour un simple et paisible navire marchand alors que ses canons sont savamment dissimulés jusqu'à l'attaque surprise. C'est un peu fourbe d'autant plus que le bateau pouvait rapidement changer de pavillon, le Komet a donc arboré le drapeau soviétique, japonais etc...
Cap à l'est toute !
L'océan Pacifique
Dans les îles Caroline, à l'atoll Lamotrek, le "Komet" rencontre le croiseur auxilliaire "Orion". Le 14 octobre, il fait le plein de vivres et de carburant grâce au ravitailleur Kulmerland. Dorénavant, les trois bateaux forment un convoi battant pavillon...japonais !
La chasse va pouvoir commencer, des bateaux sont coulés et plus important le 27 décembre 1940, après des salves d'avertissement le Komet bombarde les installations de phosphates de Nauru. Les dégâts sont importants, la production est arrêtée pendant plusieurs mois mais il y a tout de même un problème, le Japon, pays allié de l'Allemagne se fournissait en phosphate à Nauru. Le malaise est profond et Eyssen se voit "réprimander" par la Kriegsmarine, ce qui n'empêchera pas ce dernier de devenir Contre-Amiral l'année suivante.
En Océanie, les alliés alertés des pertes sont sur les dents, les bâtiments de guerre patrouillent à la recherche de ces faux cargos. Devant la menace de plus en plus sérieuse, le Komet prend la direction de l'océan Indien où il forme un nouveau convoi le 12 mars 1941 avec le "Pinguin" et un ravitailleur. Le 8 mai 1941, alors près des Seychelles, le Pinguin est pris à partie par le croiseur lourd Cornwall, le cargo coule en mer.
Le Komet, lui, fait de nouvelles victimes, des cargos aux précieux chargements. Puis cap à l'ouest, le convoi franchit le Cap Horn sous pavillon portugais (!!) puis c'est le temps de la séparation. Le Komet arrive à Cherbourg et reprend son cap vers le port de Hambourg, qui est atteint le 30 novembre 1941.
C'est la fin de la première mission, longue de 516 jours en mer et de 185 000 km parcouru. Un total de 42 000 tonnes de navires a été coulé.
Le HSK Komet avec l'Arado Ar 196 A1 bien visible, qui finira par se crasher lors de la première mission |
Toujours à Hambourg, l'armement du navire est revu. Les canons L/45 datant de la première guerre mondiale sont déposés pour faire place aux L/48-C/36 de 15,0 cm. Il reçoit aussi de nouveaux canons de Flak. La vedette rapide lui est retirée et l'Arado, qui s'était crashé pendant la mission, est remplacé par un Arado Ar 196 mais en version A3 cette fois.
La dernière mission
La première semaine d'octobre 1942, le bateau repart en mission avec un équipage recomposé sous le commandement d'un nouveau capitaine, le Kapitän zur See Ulrich Brocksien, 44 ans. Naturellement il n'est plus question de s'enfoncer dans les glaces au large des côtes sibériennes, les Soviétiques ne sont plus les alliés d'hier. Le Komet et ses escortes prennent la direction de l'océan Atlantique mais avant cela ils doivent franchir la Manche. Un problème sérieux apparait alors, après analyses des écoutes radio, le convoi a été repéré par les britanniques. Pour les Anglais le Komet doit être détruit, l'Opération Bowery est lancée, la Royal Navy envoie pas moins de 10 destroyers et une flottille de torpilleurs à ses trousses.
Le destroyer HMS Cottesmore participe à la traque du Hsk Komet |
Croisant au large de la baie de Seine, le convoi allemand est repéré une première fois par un avion ennemi. Dans la nuit du 13-14 octobre 1942, les destroyers HMS Cottesmore, Albrighton, Quorn, Eskdale, Glaisdale et le torpilleur naviguent à la recherche de Komet qui n'est plus trop loin. Au Cap Le Hague, le lieutnant Rord du MTB 236 de la 9th MTB Flotilla (basé à Dartmouth) a enfin repéré l'allemand et fonce sur sa proie, seul. Une action qui va à l'encontre du règlement de la Royal Navy. Une salve de deux torpille est lancée, tandis que les destroyers ouvrent le feu de tous leurs canons. Le Komet est touché une première fois puis soudain il y a une seconde détonation nettement plus puissante, la déflagration est tellement violente qu'une boule de feu est vue à plusieurs kilomètres, y compris depuis les iles anglo-normandes pourtant situées pourtant à une trentaine de kilomètres ! Le bateau est soufflé, fracassé, et sombre immédiatement dans la nuit noire. Il n'y a aucun survivant.
La découverte de l'épave
Le Cap de la Hague depuis la côte, l'épave a été retrouvée au large. Pour les curieux, il y reste un bunker de la seconde guerre mondiale. |
En juillet 2006, le bateau est découvert par le chercheur d'épave Innes McCartney. L'année suivante, une mission de cartographie est effectuée. Le Komet repose au fond de l'océan sur son dos, brisé en deux. Les deux parties sont distantes de 300 mètres l'une de l'autre ! Les dégâts n'étaient pas graves ils étaient monstrueux. Les compartiments où était stocké l'armement ont tout simplement explosé lors de l'attaque, précipitant le Komet vers le fond, trahissant sa conception de navire marchand, nettement moins renforcé qu'un véritable bâtiment de guerre, les 251 hommes d'équipage en ont malheureusement fait les frais.
La tombe du Kapitänleutnant Paul Krebs
En déambulant dans le cimetière, j'ai pris en photo la tombe du Kapitänleutnant Paul Krebs sans savoir auparavant qu'il était un officier du Komet d'ailleurs je ne sais pas si d'autres marins du cargo sont aussi inhumés à Marigny.
Paul Krebs était né le 22 avril 1909 à Lägerdorf dans le Schleswig-Holstein. La petite ville est située près de Hambourg, c'est une terre de marins. Après le naufrage du bateau, son corps a du être retrouvé sur la côte française. Krebs est inhumé au Bloc 5 rangée 42 tombe 2084.
Kapitänleutnant Paul Krebs |
Tombe du Kapitänleutnant Paul Krebs à Marigny |
Le cimetière militaire allemand de Marigny
Rassemblant principalement les victimes de cette région de Normandie, on y trouve des marins, des pilotes, des soldats de la Panzer-Lehr Division, de la 17. SS-Panzer-Grenadier Division "Götz von Berlinchingen", de la Das Reich...
Le mémorial naval de Laboe
Ce mur magnifique rappelle le nombre et le type de bateaux perdus... |
...l'inscription 7 Hilfskreuzer y apparait. |