jeudi 28 août 2025

La fabuleuse histoire du Tiger B de Munster

L'année dernière, j'avais inauguré le premier article de la rentrée 2024-2025 avec le Tiger E du Panzermuseum de Munster. Cette fois-ci pour cette nouvelle saison qui commence, je rode autour du très beau Tiger B (ou Tigre B en français) également exposé dans ce musée. 

Présentation du Tiger "121"

Le "121" est un Tiger Ausf B fabriqué à l'usine Henschel und Sohn de Kassel en juillet 1944. Son numéro de châssis est 280101 et celui de tourelle 280110. Sa tourelle, qui est celle d'origine, constitue donc un avantage par rapport au Tiger de Saumur.

Le char a eu une vie opérationnelle assez brève, deux semaines mais son histoire est tumultueuse puisqu'il a été fabriqué en Allemagne, abandonné en France, sauvé par les Britanniques, expédié aux Etats-Unis et enfin revenu en Allemagne, où il se trouve toujours.

Le Panzerkampfwagen Tiger (8,8cm) Ausf B (Sd.Kfz. 182) en bref

J'écris "en bref" puisque HistoReich est un blog et non un site internet spécialisé sur les Panzers. Si vous souhaitez connaitre la pression au sol d'un Tiger (1,02kg/cm2), je vous conseille de lire des livres, et il y en a beaucoup sur ce char, dans toutes les langues possibles. 

Le Tiger B est destiné à remplacer le mythique Tiger E sur les futurs champs de bataille mais avant cela il faut déjà le remplacer sur les chaines de production. Après quelques prototypes, les trois premiers modèles de série sortent de l'usine Henschel und Sohn en janvier 1944 (280001-280003). Ils sont ensuite versés, avec deux autres exemplaires, à la Pz.Kp.(FKL) 316 qui est rattachée à la Panzer-Lehr Division. Malgré la fin de guerre qui s'annonce, les bombardements sur l'usine, la production des Tiger B  s'arrête à la fin mars 1945, après 492 exemplaires officiellement acceptés  par les inspecteurs de la Waffenamt.

Au cours de son existence le Tiger a connu plusieurs modifications, notamment de son système d'échappement, de ses chenilles et de son canon,  qui est passé d'une version monobloc à deux pièces.  Il existait également deux types de tourelles.

Son moteur de 23880 cm3 est un Maybach HL 230 P45 12 cylindres en V à 60° développant 700 chevaux à 3000 tr/mn ou 600 à 2500 tr/mn. Ses  4 carburateurs sont de la marque Solex type 52 JFF II D et le char possède 7 réservoirs à essence pour une capacité totale de 860 litres.

Son canon est le 8,8cm KwK43 L/71 et enfin son équipage se compose de 5 hommes.  

Le SS-Unterscharführer Zahner 

L'histoire du Tiger de Munster est indissociable de celle de son commandant, Fritz Zahner. Avant de devenir chef d'un Tiger, Zahner était dans les Stug, les canons d'assaut, tout comme Michael Wittmann et d'autres membres de la future Abteilung.

Début juin 1944, Zahner est SS-Unterscharführer à la 1.Kompanie de la s.SS-Panzer-Abteilung 101. Le 6 juin, le débarquement a lieu en Normandie. L'alerte est donnée et, dès le lendemain entre 2 et 3 heures du matin la Kompanie roule vers l'Invasionsfront. Zahner et son Tiger Ausf E "133" (3.Zug de la 1.Kompanie) passe par Gournay en Bray, Morgny, Saussay la Campagne, les Andelys et enfin Villers-Bocage où sa Kompanie entre en contact direct avec l'ennemi britannique. 

7 juin 1944. Tiger Ausf. E "133" de Fritz Zahner à Morgny à l'intersection de la D 316 et D 13 durant la montée à l'Invasionsfront. Zahner, panzerkommandant qui porte la casquette, prendra plus tard le commandement du Tiger B "121"  

Après de durs combats, notamment du côté de la cote 112, les trois derniers Tigern opérationnels de la 1.Kompanie sont cédés à la 3.Kompanie, le 3 juillet 1944. Pour les hommes restants, dont Zahner, l'heure est venue de partir pour l'Allemagne et de prendre en main leur nouveau char, le Tiger Ausf. B

Le 15 juillet 1944, l'instruction sur Tiger B des panzermänner de la 1.Kompanie commence à Sennelager, près de Paderborn. Afin de connaître parfaitement leur futur char, les membres d'équipage sont même envoyés à l'usine de Kassel pour participer au montage des chars. 

La 1.Kompanie reçoit 14 exemplaires entre le 28 juillet et 1er août 1944. Les numéros de châssis vont du 280092 au 280112. Le "121" (280101) est immédiatement confié à Zahner. Ce dernier change donc de section et devient par la même occasion le chef de ce 2. Zug.

Invasionsfront !

Fin juillet, il y a le feu en Normandie, Caen est tombé,  il faut donc envoyer de nouveaux renforts avant qu'il ne soit trop tard. Le 5 août, la Kompanie est chargée sur train et, après un  long et pénible voyage, elle débarque au nord de Paris le 18 août.

Le premier contact avec l'ennemi à lieu le 25 août dans l'Eure dans le secteur de Gisors. Le 28 août, le Tiger B "123" du SS-Hauptscharführer Fritz Hibbeler est sonné à Sailly dans le Vexin. Hibbeler est tué, mais aujourd'hui une partie de son char est exposée au musée des blindés de Saumur puisqu'il s'agit de la caisse du Tiger B "300".

Le Tiger B "123" en partie exposé à Saumur partage un point commun avec le Tiger de Munster, les deux viennent de la même section, du même Zug si vous préférez.

Après les combats dans le Vexin, il s'agit dorénavant de passer la Seine. Les troupes américaines avancent inexorablement et sont précédées des Republic P-47 Thunderbolt et des North American P-51 Mustang du XIX Tactical Air Command, le but est d'empêcher les Allemands d'établir une ligne de résistance derrière le fleuve et cela fonctionne. Les troupes allemandes retraitent vers l'est, en direction de la Belgique ou de l'Allemagne, la logistique ne suit plus il y a pénurie de tout et surtout d'essence. La 12.SS Panzer-Division "Hitlerjugend" malgré sa remarquable résistance sur le front est étrillée et doit se réorganiser à Fourmies dans le secteur d'Hirson (Aisne) et recevoir un nouveau lot de Panther, Kurt Meyer raconte :

"Nous empruntons les mêmes routes sur lesquelles nous avons roulé si vite vers l'ouest en 1940. Notre colonne paraît misérable. Des "convois" roulent à travers la nuit. Un véhicule intact doit en remorquer plusieurs autres." 

Si on ne peut pas parler de solide ligne de front dans la région, une résistance avec les unités en retraite s'organise tout de même. 

Le Tiger du SS-Unterscharführer Fritz Zahner a réussi à traverser la Seine. A la fin août, il passe par Marle, Thiernu puis Vervins. Le 1er septembre, la reconnaissance aérienne américaine signale la présence trois chars lourds au sud-ouest de La Capelle. Ces derniers tirent sur les colonnes US, s'agit il des Panthern de la 116.Panzer.Division qui retraitent vers le village  ou bien des Tigern ? 
En tous cas, le "121" n'est qu'à quelques centaines de mètres  de La Capelle lorsque le moteur toussote "die benzineuhr ist auf nul", il n'y a plus d'essence dans les réservoirs et le ravitaillement est impossible. Zahner et ses hommes, résignés, sont contraints d'abandonner le char mais avant, il faut le saborder, car il n'est pas question de le laisser intact entre les mains de l'ennemi. La culasse du canon est endommagé tout comme le moteur. Il faut maintenant partir, et vite, car les premiers éléments de la 3rd Armored Division "Sparhead" vont bientôt arriver. Le "121" blessé, reste au bord de la route. La guerre est finie pour lui. 

L'équipage du "121" est certainement monté dans un véhicule, pas question de continuer le chemin à pieds, c'est trop dangereux. Vervins, auparavant occupé par des éléments de la 12.SS-Panzerdivision "Hitlerjugend", ainsi que La Capelle tombent aux mains des Américains, le 1er septembre.

En deux semaines de combat, la  1.Kompanie a perdu 13 Tigern B, un seul ralliera l'Allemagne.   

Zahner survit à l'Invasion et parvient à rejoindre l'Allemagne. En décembre 1944,  il se retrouve dans les Ardennes durant l'offensive "Wacht am Rhein", avec le Tiger B "113" de la s.SS-Panzer-Abteilung 501

C'est bien beau de dire que le Tiger a été abandonné à La Capelle mais encore faut-il savoir situer le village sur une carte surtout lorsqu'on n'habite pas dans l'Aisne. Le point rouge représente La Capelle, ce qui nous permet de constater que la frontière belge n'est pas si loin  

Dans certains livres il est écrit que Zahner aurait abandonné son Tiger le 5 septembre. Les Américains ont pris Vervins le matin du 1er septembre et  La Capelle dans la soirée, il est donc impensable que le "121" soit arrivé aux abords du village quatre jours plus tard. D'ailleurs la date de l'abandon du "121" est approximative : le 30, 31 août ou 1er septembre ?      

Le Tiger "121" est immobilisé à l'approche du village de La Capelle, entre le 30 aout et le 1er septembre 1944 

Abandonné, le Tiger de Zahner se trouve le long de Nationale 2 où il est dégagé manu militari par les engins américains. Le char est alors basculé dans le champ en contrebas et se retrouve sur la tourelle ! Il restera dans cette position pendant de longs mois. 

Le Tiger "121" de Zahner a été renversé sur le bord de la route. On voit quelques obus du char aux pieds de l'Américain . 

Le 16 décembre 1944, les Britanniques du REME (Royal Electrical and Mechanical Engineers) se chargent de remettre le Tiger sur ses chenilles, une tâche ardue lorsque l'on connait le poids de la bête. Deux jours plus tard, il est chargé sur une remorque d'un camion et emmené en direction de Amiens, puis Le Havre où il est remis aux Américains.

Le Tiger "121" de Zahner quitte La Capelle pour les USA

Ces derniers récupéreront également plus tard le Tiger B "332" à l'issue de la bataille des Ardennes. Notre "121" est chargé dans un cargo, et part pour Aberdeen proving ground dans le Maryland.

Le "121"sur son lit de cailloux à Aberdeen . La pâte Zimmerit commence à souffrir mais notons tout de même l'insigne de la s.SS-Panzer-Abteilung 101 sur le glacis avant ainsi que la Balkenkreuz peinte sur le côté de la caisse, certainement par les Américains puisque celle-ci était à l'origine sur la tourelle. En médaillon, toujours à Aberdeen, le même "121" à côté d'un Panther. La photo a été prise quelque temps après, puisque le garde-boue avant gauche est manquant.  

 

De retour en Allemagne 

 
Au début des années 60, la RFA (l'Allemagne de l'Ouest) tente de récupérer quelques-une de ses pièces  historiques, la Norvège offre le U-Boot U-995 et les Etats-Unis le Tiger B de Zahner mais ils gardent le "332". Quelques mois plus tard, les britanniques cèdent un Jagdpanther puis c'est au tour du Panther, etc.
Notre Tiger est donc chargé dans un cargo aux Etats-Unis, puis expédié au port de Bremerhaven, en Allemagne, en décembre 1960. 
 
Décembre 1960. Le Tiger B est de retour en Allemagne, il va être chargé sur un train

Le char nécessite toutefois quelques réparations, notamment sur la caisse, le train de roulement et la tourelle, qui est restaurée par Rheinmetall. Le moteur n'est plus dans son compartiment, il n'est donc plus en état de rouleril ne l'était déjà plus en 1944.

Dans les années 1960, il n'était pas question de faire entrer le Tiger au musée, car celui-ci n'existait pas encore. Les blindés actuellement exposés au musée étaient éparpillés dans plusieurs casernes. Dans les années 1970, le Tiger B était aligné avec d'autres blindés le long d'une allée d'une caserne,la Kampftruppenschule 2, entre les arbres. Le vieux char assistait de temps à autre à quelques cérémonies auxquelles participaient des vétérans, qui se tenaient devant le colosse. Les civils, de plus en plus nombreux, voulaient eux aussi voir ces monstres d'acier. Ils le pouvaient, mais seulement à des heures restreintes, car après tout, ils se trouvaient tout de même dans une enceinte militaire. 

Durant les années 70, le Tiger qui a retrouvé un frein de bouche est exposé le long d'une allée au sein de la Kampftruppenschule 2. Le char a été débarrassé de sa Zimmerit.
 
Le 22 septembre 1983, le Panzermuseum est officiellement inauguré, mais il est alors nettement plus petit que celui que nous connaissons aujourd'hui. Notre Tiger y trouve sa place, bien abrité et préservé, et 8 000 visiteurs lui rendent visite la première année.
Aujourd'hui, les vétérans ont disparu, et ce sont désormais les nouvelles générations, allemandes et étrangères, qui viennent rendre hommage au colosse de près de 70 tonnes.

Le Tiger n'est plus numéroté « 121 » mais « 321 », un chiffre qu'il partage avec le Plastiger Ausf. E exposé quelques mètres plus loin. 

Le Tiger "321" en 1982 avec sa peinture "Ambush", les galets sont peints sur cette même base, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

 

Et maintenant au musée...mais en "321"

 
 
Le musée de Munster a dans ses halls une très belle collection de blindés allemands, la partie consacrée à la seconde guerre mondiale est impressionnante, du moins pour la partie allemande. Je jubilais de voir un véritable Hetzer, et non pas un énième G13 trafiqué. Que dire également de ce magnifique Panther ou de ce curieux PlasTiger dont la réalisation est techniquement impeccable. On tourne autour de ces monstres d'acier (ou de fibre), on prend mille photos y compris de cette superbe voiture blindée des années 1920 qui me rappelle les années de lutte du NSDAP ou plus récemment un épisode de la série Babylon Berlin (Charlotte Ritter !!). Et maintenant arrêtons les bavardages et place au Tiger B !    
 
Sur un Tiger B tout est impressionnant, le long canon que l'on aurait bien vu dans les plaines d'Ukraine ou de Russie. 

Le Tiger a retrouvé un frein de bouche qui manquait depuis 1944. La tourelle est dans la même position que lorsque le char était sur le dos.
 
Sur le glacis, nous remarquons l'insigne de l'Abteilung qui était à l'origine à gauche tandis que le losange (signe tactique des panzers) avec le "S" pour "Schwere" et le petit "1 "désignant la Kompanie était à droite. 

Zoom sur le glacis avant, le char a été repeint depuis 1982, il lui manque tout de même la fameuse Zimmerit.  

Le chiffre "321", la 3.Kompanie, côtoie l'insigne de la s.SS-Panzer-Abteilung 101, les passes-partout croisés. 

Les garde-boue avant et jupes latérales ont été reconstruits et c'est très bien ainsi
 
Dans les années 1980, le camouflage du Tiger était différent car il reprenait celui vu durant la bataille des Ardennes, le "Ambush". 

Le train de roulement est différent du Tiger E

Dès février 1944, les Tigern ont reçu des échappements courbés à leur extrémité. Une méthode permettant de dissiper la chaleur qu'ils dégageaient vers le moteur.


Pour soulager un peu le panzer de son poids des cales de bois ont été installées sous la caisse. Les barres de torsions sont ainsi ménagées. 

Dans les années 1980, le numéro "321" était à côté de la Balkenkreuz mais c'était avant que la Tiger ne se fasse repeindre. Noter la trappe arrière de bonne épaisseur qui n'est plus circulaire que celle du Tiger E. 

Le Tiger est bien équipé, nous voyons son câble de remorquage, la petite caisse à l'arrière mais aussi l'épaisseur de la plaque latérale qui protège les réservoirs d'essence placés derrière

Sur la tourelle du Tiger B il n'y a plus les ergots de levage que nous pouvons voir sur le Tiger E mais des support de maillons de chenilles, une amélioration qui a été apportée en cours de production en juin 1944. 

 Le Tiger B a connu une brève carrière mais reste tout de même une figure incontournable de la bataille des Ardennes mais aussi de la bataille de Berlin

Où voir un autre Tiger B ?

En France, nous avons bien de la chance car il n'y a pas besoin de franchir la Manche ou le Rhin pour voir un Tiger Ausf B puisqu'il y en a un au musée des blindés de Saumur. L'historique du char est connu mais il faut savoir que contrairement à celui de Munster, le "300" a été reconstitué à l'aide de deux chars, malgré cela il a un énorme avantage sur son homologue teuton, il roule avec son Maybach. 

Le Tiger B "300" exposé au musée des blindés de Saumur
 
 

Sources

 
Chronik der Lehrsammlung de Panzertruppen und der Heeresaufklärungstruppe am Ausbildungszentrum Munster
Tiger ! Album mémorial Editions Heimdal
Tiger I und II de Horst Scheibert
Waffen Arsenal n°127 de Horst Scheibert
King Tiger de Tom Jentz, Hilary Doyle, Peter Sarson

mercredi 9 juillet 2025

Je visite l'aeroport de Berlin-Tempelhof

Alors que j'étais à Köln pendant deux jours, mon tourisme ferroviaire m'emmène à Berlin à bord d'un ICE, l'Intercity Express comparable à notre TGV mais en plus propre. A l'instar de Jason Bourne, j'arrive à la gare Hauptbahnhof,  pass métro en main, direction l'appartement loué pour l'occasion. Le lendemain, j'ai prévu de me rendre à l'ancien aéroport de Tempelhof.

L'arrivée à l'aéroport se fait de manière majestueuse pouilleuse

 

Le Flughafen Tempelhof

Le Flughafen en travaux

Jusqu'à la fin du 18e siècle, le futur terrain d'aviation n'était, on s'en doute, que des champs agricoles appartenant aux fermiers du village de Tempelhof. Au siècle suivant, des défilés militaires y sont organisés, la victoire de 1870 y est célébrée. Les premiers ballons commencent à se poser puis vient le temps des marguerites avec des inventeurs et leurs avions faits maison. Au début du 20e siècle, on ne parle pas encore d'aérodrome ni d'aéroport puisque le terrain appartient à l'armée.
 
Après la fin de la première guerre mondiale, le quartier de Tempelhof se modernise, on y construit de nouvelles habitations, des rues. A cette occasion, le vaste terrain va être lui aussi aménagé puisqu'il est décidé d'y créer enfin un aérodrome.
Comme les trains d'atterrissage sont un peu rudimentaires, il est nécessaire de faire pousser de l'herbe mais un problème se pose rapidement, la qualité du sol est suffisamment médiocre pour que rien n'y pousse. Des tonnes d'engrais sont alors déversées et l'herbe commence enfin à jaillir du sol. En guise de tondeuse, une armée de moutons est recrutée, les braves bêtes finiront un jour ou l'autre dans l'assiette.
 
Le 8 octobre 1923, l'aéroport est mis en service et dès la première année il compte déjà 100 atterrissages et décollages pour un total de...150 passagers. Dès la fin des années 20, la technologie, la fiabilité a progressé et le nombre de passagers est en augmentation constante puisqu'on compte 200 000 passagers en 1934 mais l'aéroport est devenu trop petit et peu pratique, il faut que cela change.
 
L'aéroport en 1930, son accès se faisait par la Columbiadamm. Nous pouvons voir les grandes antennes radio et des appareils de la Luft Hansa.

Sur cette photo nous voyons la disposition du nouvel aéroport et de l'ancien aéroport
 
Avec l'arrivée du NSDAP au pouvoir, Adolf Hitler grand passionné d'architecture, donne l'ordre d'agrandir l'aéroport. Avec ses esquisses et ses idées, il confie la réalisation du futur Flughafen à l'architecte Ernst Sagebiel (1892-1970). L'élaboration des plans, de la planification commencent dès 1935. 
 
La maquette originale, les arbres en moins
 
Les grand travaux débutent en mai 1936, le terrain passe de 100 ha à 400. Le gros oeuvre est fait en 18 mois seulement. De nombreux éléments, comme les façades en béton sont préfabriqués et recouvertes de dalle de calcaire coquillier jaune et jurassique clair. Mais ce n'est pas pour autant que l'aéroport est à l'arrêt, alors que les travaux débutent, une vingtaine de Junkers Ju-52/3m décollent de Tempelhof pour rejoindre Séville en Espagne et le Maroc espagnol. Pilotés par du personnel de la Luft Hansa, qui peuvent être aussi de officiers de réserve de la Luftwaffe comme Alfred Henke, leur mission est de rapatrier les troupes franquistes du Maroc vers l'Espagne, voir même d'attaquer et de couler le cuirassé républicain "Jaime Primero". 
 

Avec la modernisation de l'aéroport, d'importants travaux de voiries, de destructions d'habitations devaient être réalisés dans Tempelhof. Par exemple sur les plans initiaux, l'entrée du Flughafen est situé dans l'axe du Viktoriapark et de son fameux Denkmal dédié à la victoire sur Napoléon. Une petite cascade d'eau devait s'écouler jusqu'à l'actuelle Platz der Luftbrücke. Le projet n'a jamais été réalisé mais le résultat aurait été assez joli.
 
Avec ce trait jaune  depuis le Denkmal du Viktoriapark on comprend mieux l'idée de l'architecte. Il n'y avait que 400 mètres.  

L'accès à l'aéroport tel qu'il devait être. Tout ne fut pas réalisé, l'aile droite n'a pas été totalement construite tout comme les deux obélisques et le bassin aquatique avec l'eau venant du Viktoriapark.

 
Le charmant Viktoriapark et son Denkmal. Il y a une petite cascade mais celle-ci est en direction de Stadtmitte. Une visite le matin s'impose.
 
Le 26 août 1939, l'aéroport est pris en main par la Luftwaffe et placé Luftgau-Kommando III (Berlin) sous le commandement du major général Hubert Weise. Le 30 août, les vols civils sont interrompus.  Dès le début de la seconde guerre mondiale, les matières premières mais aussi les hommes sont mobilisés et les travaux de l'aéroport accusent un net ralentissement. En 1943, économie de guerre oblige, ils sont totalement arrêtés et ne reprendront plus, comme le reste des grands projets architecturaux du Reich.  
 

La Weser Flugzeugbau  

 
Inactif, le RLM donne l'ordre de  transformer l'aéroport en usine d'avions. Dès 1941, la Weser Flugzeugbau GmbH (WFG) y assemblent sous licence les fameux Junkers Ju-87 "Stuka" d'ailleurs Tempelhof assemblera 1960 appareils jusqu'à l'arrêt de la production en octobre 1944, cela représente tout de même les 2/3 des Ju-87 construits.
Pour l'occasion, des baraquements en bois sont crées pour loger les travailleurs pas vraiment volontaires. Au début, il y a de nombreux Polonais auquel s'ajoute plus tard des STO Français et d'autres nationalités. Le nombre de travailleurs est évalué à environ 5 000 personnes. 
 
1943. Des baraquements en bois ont été construits pour les travailleurs. Situé à droite sur le terrain,nous apercevons l'ancien aéroport.   

Les bombardements anglo-américains s'intensifient sur la capitale. En 1944, les ateliers sont déplacés dans les tunnels situés en-dessous de l'aéroport. On y assemble maintenant le Messerschmitt Me 262, on converti des Heinkel He 111 et Ju 86, des Focke Wulf Fw 190 y sont réparés et enfin on étudie la future production de l'hélicoptère Fa 223.

Fin de guerre 

Malgré les bombes lâchées depuis le ciel, l'aéroport résiste assez bien puisqu'il a été conçu pour cela dès sa construction. Dans les derniers jours de la guerre, le directeur de l'aéroport, le Major Rudolf Böttger (1887-1945) reçoit l'ordre de détruire totalement l'édifice. La tâche s'avère impossible et Böttger ne peut exécuter l'ordre, finalement le Major ne survit pas à la guerre, il a préféré le suicide d'une balle dans la tête. 

Dans les derniers mois de la guerre, l'aéroport n'est pas gravement endommagé. Sur cette vue aérienne, l'aspect circulaire est bien visible, tout comme l'ancien aéroport d'avant 1936. 

Le 20 avril 1945, un Junkers Ju 52 s'envole de la piste, c'est le dernier avant la chute de Berlin. A destination de Prague, de Enns ou de Linz (les avis divergent on l'aura compris)  l'avion n'a jamais atteint sa destination puisqu'il se fait abattre par les Russes à Buckow à environ 70 km de la capitale allemande. Parmi les passagers, qui ne compte qu'un survivant, il y a Hans Steinhoff le réalisateur du film "Hitlerjunge Quex". Sa tombe est à Steinreich Glienig.

Le 26 avril, alors que le SS-Sturmbataillon "Charlemagne" passe à la contre-offensive dans le quartier de Neukolln, une de ses compagnies, la 1. celle de Labourdette est positionnée dans le secteur nord-est de l'aéroport mais face à la pression soviétique, il est ordonné de décrocher dans la journée. L'aéroport tombe aux mains de l'ennemi.

Les Soviétiques récupèrent les machines-outils de la Weser Fluzeugau tandis que les avions allemands sont empilés à l'extérieur, ils seront recyclés. Bientôt des avions à l'étoile rouge se posent sur Tempelhof.    

Les épaves d'un Me 262, d'un Me 109 ont été rassemblés par les Soviets. Les avions vont certainement être fondus, le métal coulé sous forme de lingots. C'étaient de belles pièces de musée, Il y en a pour de l'argent surtout maintenant.

Les carcasses de Fw 190 ont été déposées par les Soviétiques lorsqu'ils ont vidé les ateliers. A l'arrière plan, nous pouvons voir des Sturmoviks à l'étoile rouge.

En 1946, Berlin-Tempelhof est de nouveau ouvert à l'aviation civile. En 1975, les lignes aériennes sont toutes transférées à Berlin-Tegel et Tempelhof n'est plus utilisé que par les avions militaires de l'armée américaine. En 1980, quelques avions civils de la Tempelhof Airways USA y font timidement leur retour jusqu'en 1990. Avec la chute du mur de Berlin, l'aéroport reprend du service mais la rentabilité n'est plus au rendez vous et en octobre 2004, l'aéroport ferme définitivement. De nos jours, les pistes sont devenues un lieu de promenade.    

Ma visite de l'aéroport

J'ai effectué la visite en deux temps, les pistes le matin et les bâtiments en début d'après-midi. Naturellement entre les deux je me suis offert des curry-wurst avec une Berliner Kindel Weisse Waldmeister (à l'aspérule), pour ceux qui connaissent, Ich mag Ich mag !  

Voici l'entrée principale de l'aéroport

Le 6 janvier 1926 à Tempelhof a été fondée la Deutsche Lufthansa AG. Sur cette plaque nous apprenons aussi que c'était aussi le siège administratif de la flotte de la compagnie de 1938 à 1945. En 2015, la Lufthansa est revenue à Berlin avec près de 500 employés.
 
1939. Après l'exploit de Scapa Flow, les avions, Condor et Ju-52 amènent l'équipage du U-47 de Günther Prien à Berlin. Nous sommes sur l'ancien aéroport dont les infrastructures sont encore utilisées remarquons la devanture de la fameuse compagnie aérienne allemande.

L'imposant bâtiment principal, le hall d'accueil


La patte de l'architecte du RLM Ernst Sagebiel est ici bien visible. L'aigle est de Walter Lemcke qui a travaillé sur ceux du RLM  

Petite comparaison entre les angles du Flugafen Tempelhof et du RLM situé dans le centre ville de Berlin. Dans l'idée de l'architecte, les rez de chaussé sont quasiment identiques.  

Gros plan sur l'un des aigles. Walter Lemcke (1891-1955) a aussi réalisé les aigles du Reichsluftfarhtministerium

Walter E.Lemcke travaille sur la cloche du Berliner Dom, de la cathédrale. Il est aussi l'auteur de la célèbre cloche du Reichssportfeld et de la flamme olympique.

Lors de ma visite on distinguait encore les traces d'impacts, mortiers ou obus 

Au dessus de bâtiment principal trône le piedestal qui accueillait l'aigle monumental dessiné par Lemcke  

L'intérieur du hall principal dessiné par Sagebiel. Il fait 18 mètres de haut. 

Le même hall qui était officiellement fermé au public mais comme j'ai rusé j'ai pris une photo. 

L'Allemagne et ses planeurs, une vieille histoire


 
Une allée couverte qui peut être pratique par temps d'orage, Berlin reste Berlin

Détail sur l'éclairage d'une allée

Le musée Polizeihistorische Sammlung est situé sur une des ailes près de l'accueil. Lors de la visite du musée je n'ai malheureusement pas vu la policière Charlotte Ritter de "Babylon Berlin" 

La Adlerkopf 

Sculpté dès 1939 puis réalisé en acier coulé, l'aigle qui faisait 4,50 mètres de haut a été posé en 1940 sur le haut du bâtiment principal, sa stèle est d'ailleurs encore bien visible. L'aigle de Lemcke était debout, les aigles déployées et la tête tournée vers la gauche, ses griffes enserrant un globe. Retirée par les Américains en 1962 pour laisser place à un radar, la statue est démantelée et la tête prend ensuite la direction du musée de l'armée américaine de Wespoint et elle y restera jusqu'en 1985 date à laquelle un avion de l'US Air Force la ramène. La tête, Adlerkopf en allemand, a été installée dans le square en 1985.

Carte postale d'après-guerre avec l'aigle laissé en place par les Américains 
 

Sincèrement la place ne ressemble plus à rien
 
Un aigle décapité, quel dommage de ne pas avoir gardé la statue dans son intégralité

 
Le socle est minable et l'aigle a vraiment perdu de sa superbe


Les pistes 

J'ai visité les pistes très tôt le matin, la chaleur était annoncée dans la journée. Celles-ci sont ouvertes au public donc ne vous étonnez pas d'y trouver des vélos.


 
L'aéroport s'étend sur 284 000 m2, mine de rien il va falloir marcher

Les sous-sols de l'aéroport comprenaient, une usine d'avions, des abris anti-aérien et une centrale électrique 

Faire du vélo sur une piste d'aéroport, c'est plus rapide qu'à pieds

Il reste encore des inscriptions en anglais notamment au-dessus du "Berlin-Tempelhof". Nous sommes juste derrière le grand hall d'accueil que nous avons vu plus haut.


Nous pouvons voir aussi

 
Avec les bombardements et la bataille en elle-même, il n'y avait plus d'espace suffisant dans les cimetières du centre-ville. Des civils et des soldats morts ont donc été enterrés dans de nombreux endroits comme par exemple les jardins et parcs publics ainsi que dans les jardins des hôpitaux de Sankt Josef et Wenckebach.
 
L'hôpital de Sankt Josef qui a vu mourir de nombreuses victimes de la bataille de Berlin

En 1952, pour des raisons de santé et d'hygiène, il est décidé de transférer près de 600 dépouilles au cimetière de Heidefriedhof à Berlin-Mariendorf, notamment les hommes des Reserve-lazarett 111 et 122, il y aussi une fosse commune où reposent 70 victimes non identifiées. 
Vous pouvez vous rendre au bloc A tombe 69, vous y trouverez la jeune Berlinoise Ruth Schmidt âgé de 20 ans seulement. Elle était krankenschwester, infirmière d'un hôpital, lorsqu'elle est morte le 29 avril 1945, victime des combats ou bien massacrée par les Soviets ? En tous cas,  une pensée pour cette jeune femme. 
Il y a aussi le Gefreiter Oswald Böckling, mort le 23 avril 1945 à l'âge de 18 ans, bloc B tombe 212. Le Matrose Heinz Hermann Burgdorf, 19 ans au bloc B tombe 21 et le SS-Grenadier Werner Wolf, 19 ans décédé le 5 mai 1945. Il repose au bloc B tombe 301 

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