lundi 25 novembre 2024

Le Leutnant Heinz Reiche manque à l'appel

Pendant les vacances de l'été 2024, je me suis rendu dans la Somme, sur la côte mais aussi dans les terres. Je suis retourné au cimetière militaire allemand de Bourdon, un cimetière que je n'avais pas visité depuis plusieurs années déjà. Cette fois-ci, contrairement à la première fois, la météo était de mon côté, j'ai déambulé dans le bloc 32 et je me suis attardé devant la tombe d'un pilote de chasse de la Luftwaffe, Heinz Reiche

Pendant que je suis dans le sujet, il y a une association locale spécialisée dans la recherche d'appareils et donc de pilotes de la seconde guerre mondiale, Somme Aviation 39/45 je vous conseille de jeter un oeil sur leur site internet. Je ne suis pas membre de cette association mais comme Absa 39-45 je trouve leur démarche intéressante et nécessaire.

Qui est Heinz Reiche ?

Heinz Reiche est né le 2 novembre 1912. En mars 1941, Reiche déjà leutnant, intègre le II./JG 26 et plus précisément la 5.Staffel basée à Morlaix en Bretagne. Il va y piloter un Messerschmitt Bf 109 E-7 (Wnr 6459).

Leutnant Heinz Reiche de la JG 26

Alarm ! le 10 juillet 1941, des appareils ennemis sont signalés dans le ciel, des bombardiers Blenheim escortés par des chasseurs ont pour objectif de bombarder un  dépôt de munition allemand dans la forêt de Guînes. Reiche est dans les airs lorsqu'il se retrouve dans le collimateur d'un Spitfire chargé de protéger les bombardiers. L'avion allemand est criblé de balles, Reiche n'a pas le dessus, il est obligé de sauter en parachute, arrivé au sol il est récupéré mais blessé.

Des Messerschmitt Bf 109 E-7 du II./JG 26. Ils seront remplacés progressivement par des Fw 190

En août 1941, l'Erprobungsstaffel 190 qui arrive de Rechlin se pose à l'aéroport du Bourget avec les nouveaux chasseurs Fw 190 A-1. Ils serviront  à l'entrainement du II./JG 26. Rapidement, le Fw 190 dévoile son talon d'Achille, il manque singulièrement de fiabilité, aussi bien pour la partie mécanique qu'électrique. Malgré cela, l'appareil entre progressivement en service au sein du Groupe, en attendant les pilotes de la 5. de l'Oberleutnant Wolfgang Koss gardent leurs bons vieux Bf 109

Toujours en août, la 5. Staffel  est transférée à Moorsele puis en octobre elle prend la direction de Wevelghem en Belgique.  En décembre, le transfert est de nouveau ordonné en direction d'Abbeville-Drucat. Cinq pilotes de la 6. Staffel perdront accidentellement la vie durant le transfert du Gruppe le 22 décembre 1941. Ils seront enterrés le 25 décembre au cimetière d'Abbeville puis plus tard...à Bourdon

Décembre, c'est aussi le mois de livraison des premiers Focke Wulf Fw 190 A-2 à la Jagdgeschwader, ils remplacent les modèles A-1 et le Bf 109. Heinz Reiche va bientôt percevoir son A-2, il s'agit d'un Fw construit par la firme Arado à Warnemünde avec le numéro de série 0125234.  Le chiffre "7 +" est inscrit en noir sur les côtés de la carlingue.

Novembre 1941 à Wevelghem, le Fw 190 A-1 du Leutnant Horst Sternberg de la 5./JG 26


Concernant le Fw 190, quelques articles ont été publiés, je vous conseille donc de cliquer sur celui concernant le NC 900 du musée du Bourget. L'avion exposé est aux couleurs de l'As allemand, le Hauptmann Josef Priller de la...JG 26 ! Sur le blog il y a aussi plusieurs articles concernant la partie mécanique de l'avion, les moteurs exposés au musée de Prague ou celui du musée de Munich. D'une manière générale, voir un Fw 190 est moins commun qu'un Me Bf 109.

Musee air et espace du Bourget
Le Fw 190 était intégré à l'Armée de l'Air française sous le nom NC 900

Mai 1942, la mort de Heinz Reiche

Maintenant une grosse partie de la JG 26 "Schalgeter" est équipée de Fw 190 A-2 ou A-3. A la fin avril 1942, le II./JG 26 déménage à nouveau et se pose à Cherbourg-Maupertus, un aérodrome assez rustique situé à 1,5 km au sud-est de Maupertus, la piste est faite d'herbe.  

Le 4 mai 1942, il y a du mouvement au sein de la 5. Staffel puisque l'Oberleutnant Wilhelm-Ferdinand Galland (1914-1943) remplace l'Oberleutnant Wolfgang Koss qui est muté à la JG 5 en Norvège.

Le 9 mai 1942, dès 6h30 du matin des avions ennemis sont signalés au dessus de la Manche en direction de Calais. Sur la base de la Jagdgeschwader 26 la sirène retentit, les pilotes courent à leurs redoutables et puissants Fw 190. Les moteurs vrombrissent,  la JG 26 décolle à l'encontre de l'ennemi. Plusieurs minutes s'écoulent et les Allemands ne voient toujours rien dans le ciel. Quelques temps plus tard, nouvelle alerte et encore une fois aucun Spitfire ou bombardier en vue. Par précaution, des appareils sont chargés de patrouiller, au cas où...

C'est maintenant le début de l'après midi, il est 13h00 lorsqu'une nouvelle fois l'alerte est déclenchée. Cette fois-ci c'est du sérieux ! Des avions britanniques sont chargés d'attaquer les infrastructures ferroviaire d'Hazebrouck. Le JG 26 va se frotter aux chasseurs d'escorte du No. 10 Group Wing.

A 13h40, l'As allemand, le Hauptmann Josef Priller de la Stab./JG 26 abat le premier Spitfire à 3 km au nord de Gravelines. Le Leutnant Artur Beese de la 1./JG 26 (qui décèdera le 6 février 1944), abat un autre Spitfire. 
L'Oberleutnant Josef Haïbock (4./JG 26) a dans son viseur le Spitfire du Sergeant Australien, William James Smith (1917-1942) du No.457 Squadron.  Les canons crépitent, le Spitfire est touché et fonce à vive allure vers le sol qu'il percute. L'avion et les restes du pilote seront retrouvés dans un champ près de Hardifort en 2011. Smith repose dorénavant au cimetière du Comonwealth à Cassel.

Sgt William James Smith abattu par l'Oberleutnant Josef Haïbock

La 5. Staffel, celle de Heinz Reiche, n'est pas non plus inactive, à 13h46, le Leutnant Horst Sternberg est à l'ouest de Calais lorsqu'un Spitfire finit en flamme sous les canons de son Focke Wulf. A 13h55, l'Oberfeldwebel Wilhelm "Willi" Roth (4./J 26)  revendique lui aussi un Spitfire abattu près du Touquet.

De 13h40 à 13h55, la JG 26 revendique huit appareils ennemis abattus mais les combats ne se sont pas fait sans perte du côté allemand. L'Unteroffizier Herbert Hofmann de la 1./JG 26 a été abattu par un Spitfire à 13h45 au nord de Cassel. Et puis, le Focke Wulf de Reiche manque aussi à l'appel, le Schwarze 7 +  s'est écrasé dans le secteur Watten-Eperlecques situé au nord de Saint Omer. Victime d'un Spitfire, Reiche est retrouvé mort.

Malgré mes recherches, il me semble que le palmarès du Leutnant soit resté vierge, du moins au sein de la JG 26. 

La tombe de Heinz Reiche à Bourdon

Le Leutnant Heinz Reiche est inhumé au cimetière militaire allemand de Bourdon au Bloc 32 tombe 385

Tombe du Leutnant Heinz Reiche de la JG 26

Tombe du Leutnant Heinz Reiche de la JG 26

Le cimetière militaire allemand de Bourdon

 

Le cimetière militaire allemand de Bourdon
 
En 1961, le Volksbund a commencé à regrouper à Bourdon les sépultures des soldats qui étaient enterrés dans les cimetières des villes et villages du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme.
Le cimetière a été inauguré officiellement le 16 septembre 1967, la section de Rhénanie du Nord-Westphalie du Volksbund parraine le cimetière.  
 
Une très grande partie des 22 216 soldats allemands qui y reposent sont tombés lors de la campagne de France de mai-juin 1940, dont de nombreux Waffen de la "Totenkopf". Il faut dire qu'avec la création de la poche de Dunkerque, la région Nord a connu d'effroyables combats.
Une autre partie concerne des soldats tués fin août-début septembre 1944, notamment après la traversée de la Seine.

Enfin, il y a une part non négligeable de pilotes de la Luftwaffe notamment ceux des Jagdgeschwader, les unités de chasse. Les tombes de ces pilotes s'étalent sur quatre années de guerre dans le secteur. Il y a de nombreux articles à leurs sujets sur le blog.

Le cimetière militaire allemand de Bourdon

Carte postale du cimetière militaire en vente sur place, laissez des pièces de monnaie dans la boite prévue pour cela.

Le Fliegerhorst Abbeville-Drucat

 
Fw 190 de la JG 26 au bord d'une taxiway à Abbeville-Drucat

Dès 1941, dans le but d'accueillir les I. II. et III./JG 26, les Allemands décident de moderniser les infrastructure d'Abbeville-Drucat qui n'était auparavant qu'un modeste aérodrome. Trois importantes pistes en béton sont donc construites en 1941-1942. Celle la plus à l'ouest faisait 1650 mètres, celle transversale faisait 1600 mètres et la dernière, au sud, mesurait 1465 mètres. Les trois pistes faisaient 50 mètres de large. Elles étaient connectées aux multiples taxiways, les voies de garages pour avions, ainsi qu'aux voies de services.
Pour faciliter l'approche par mauvais temps, les avions étaient guidés par un faisceau Lorenz ainsi que par des feux de piste.
La forêt au sud de Plessiel était largement utilisée pour les besoins de la maintenance, armements des avions etc pour l'occasion il y avait des splitterschutzbox
 
Fliergerhorst Abbeville-Drucat
Aérodrome d'Abbeville-Drucat avec les infrastructures encore en place. au nord le village Le Plessiel, à l'est, Drucat.
 
Fliergerhorst Abbeville-Drucat
Les trois pistes de Drucat utilisées par la Jagdgeschwader 26
 
Le 19 août 1942 à 11h30, 22 bombardiers B17 du 97th Bombardment Group du VIII Bomber Command 2 larguent 34 tonnes de bombes sur le Fliegerhorst. La mission est de faire diversion et d'occuper la chasse allemande puisque le jour même a lieu le débarquement de Dieppe.
2 Fw 190 sont endommagés au sol. Le bombardement n'atteint pas l'objectif escompté, les pistes ne sont pas détruites puisque 7 minutes après le bombardement des chasseurs décollent....
 
Bombardement de l'aérodrome d'Abbeville-Drucat

 
Quelques vestiges (il faut aimer le béton)
 
A l'été 2024, contre l'avis de ma femme et de ma fille, nous avons tout de même eu l'occasion de dormir sur l'ancien aérodrome de la JG 26, et surtout sur une des pistes d'envol .
Aujourd'hui encore, il existe quelques vestiges de la base aérienne d'Abbeville-Drucat (la preuve !) aussi appelée "le Plessiel" du nom du village au nord de la base.
Sur le sujet des aérodromes je vous conseille le livre : "La Jagdgeschwader 26, histoire de quelques aérodromes de la Luftwaffe dans le nord de la France de Nicolas Grebert"
 
Dormir sur la piste d'envol des Fw 190 de la JG 26, c'est le top pour certains et carrément n'importe quoi pour d'autres.
 
Les deux pistes "allemandes" bétonnées se croisent avec la piste moderne

La piste transversale croisant la D928

A gauche la taxiway sur la D 928. Dans le champs à droite nous remarquons une position de Flak avec sa tranchée pare-éclats.
 
Ce qu'il reste de la taxiway sur la D928

Taxiway aujourd'hui situé au 55 route nationale à Le Plessiel

La maison repose sur des bonnes fondations

Secteur Le huy - rue du château à Le Plessiel. Au carrefour nous remarquons une position de Flak avec sa tranchée par-éclats. Nous remarquons aussi les fondations d'un hangar (?) à proximité du carrefour.

Emplacement du hangar (?) rue du château d'eau. Le relief démontre que les soubassements sont encore là.

Un peu plus loin un emplacement bétonné toujours situé sur la rue du château d'eau

Le Plessiel près de la rue de la gare secteur le Huy

La première dalle est encore présente, pour les suivantes il ne reste que les fondations des bâtiments.

Les bâtiments étaient sans doute des splitterschutzbox. Un soubassement en dur surmonté d'une toile, d'un filet de camouflage sorte de "toile de tente" semi-rigide.

 
Petit souvenir, un morceau de béton de la piste transversale. Les Fw 190 ont posé leurs roues dessus il y a 80 ans déjà.

 

Liens

 

lundi 11 novembre 2024

La fin du faux cargo Komet

Le cargo Enns de la de la compagnie Norddeutschen Lloyd

Durant le printemps 2024, je m'étais rendu au cimetière militaire allemand de Marigny où j'avais vu la tombe du SS-Obersturmbannführer Christian Tychsen. J'ai profité du beau temps et j'ai continué tranquillement ma visite pour voir d'autres personnages derrière ces croix, il faudrait être fou pour rebrousser chemin après vu une seule tombe. Cette fois-ci, je fais une halte devant un officier de la Kriegsmarine qui a trouvé la mort sur un cargo qui cachait plutôt bien son jeu.   

Le bateau HKS Komet

Au commencement, le Komet n'est pas un bâtiment de guerre puisqu'il était un simple vapeur cargo (Frachtschiff) de la compagnie Norddeutschen Lloyd baptisé "Ems". Construit par les chantiers Deschimag A.G. Weser à Bremen, il était entré en service avant le début de la guerre, le 16 janvier 1937.

Au début de la seconde guerre mondiale, en 1940, il est réquisitionné puis intégré le 2 juin au sein de la Kriegsmarine en tant que Leichter Hilfskreuzer, croiseur auxiliaire 45, HSK-7. Il est l'un des neuf navires marchands convertis en 1940-41. Alors à Hambourg, le "Ems" devient donc le  HSK "Komet", son armement est composé de 6 canons L/45 de 15 cm, d'un L/18 de 6 cm et de 2 canons de Flak de 3,7 cm. Il est équipé aussi de 6 tubes lance-torpilles et une petite vedette rapide (Schnellboote) de la classe Meteorit (Klass LS 2) utilisée pour le mouillage des mines. Pour la reconnaissance aérienne, un avion Arado Ar 196 A1 est aussi installé.

L'utilisation des cargos civils à des fins militaires n'est pas vraiment une nouveauté puisque la même chose a été faite par les Allemands durant la première guerre mondiale. Certes, un cargo n'a pas une coque blindée comme peut l'être celle d'un navire de guerre mais il y a un autre intérêt, celui de faire passer le bateau pour un simple et paisible navire marchand alors que ses canons sont savamment dissimulés jusqu'à l'attaque surprise. C'est un peu fourbe d'autant plus que le bateau pouvait rapidement changer de pavillon, le Komet a donc arboré le drapeau soviétique, japonais etc...    

Cap à l'est toute !

Au début de l'année 1940, le Komet quitte Hambourg sous le commandement du Kapitän zur See Robert Eyssen (1892-1960), c'est le temps de l'instruction pour l'équipage. En juillet, le bateau remonte les côtes norvégiennes puis fait une halte dans les fjords de Matotchkine, situés entre la mer de Barents et la mer Kara, des eaux largement surveillées par les Soviétiques. Plus tard, lorsque l'Allemagne rentrera en conflit avec l'Union Soviétique, de nombreux U-Boote, notamment le U-995 de Laboe, y feront des incursions et des victimes dans ce même secteur.
 
Le détroit de Matotchkine où s'est avancé le cargo corsaire

En attendant, dans les fjords, l'équipage allemand attend l'arrivée d'un brise glace de leur allié soviétique, le "Lenin" qui arrive le 13 août. La mission est de faire cap à l'est, à travers les eaux glacées mais pour obtenir ce droit, l'Allemagne a du payer une somme assez conséquente à l'URSS.
Des Russes montent à bord du Komet qui bat dorénavant le pavillon rouge, ils sont chargés de guider le bateau et de surveiller l'équipage. Puis le bateau reprend enfin sa route au sein d'un convoi soviétique, le Lenin prend une autre direction. Les conditions météos sont exécrables, une terrible tempête sévit et confronter aux glaces, les bateaux ne peuvent plus avancer d'autant plus qu'un des navires du convoi connait une avarie. Une pause de trois jours est ordonné à Nordenskiöld, le "Lenin" est appelé en renfort afin de reprendre la route. Le Komet arrive dans la mer des Laptev, qui borde l'océan Arctique, lorsqu'un second brise glace, le "Joseph Staline" prend le relais du "Lenin" puis deux autres brise-glaces plus loin, le Komet atteint enfin l'île Aïon. Après un long périple, bien glacial, l'océan Pacifique est bientôt en vue.
 

L'océan Pacifique  

Dans les îles Caroline, à l'atoll Lamotrek, le "Komet" rencontre le croiseur auxilliaire "Orion". Le 14 octobre, il fait le plein de vivres et de carburant grâce au ravitailleur Kulmerland. Dorénavant, les trois bateaux forment un convoi battant pavillon...japonais ! 

La chasse va pouvoir commencer, des bateaux sont coulés et plus important le 27 décembre 1940, après des salves d'avertissement le Komet bombarde les installations de phosphates de Nauru. Les dégâts sont importants, la production est arrêtée pendant plusieurs mois mais il y a tout de même un problème, le Japon, pays allié de l'Allemagne se fournissait en phosphate à Nauru. Le malaise est profond et Eyssen se voit "réprimander" par la Kriegsmarine, ce qui n'empêchera pas ce dernier de devenir Contre-Amiral l'année suivante.

En Océanie, les alliés alertés des pertes sont sur les dents, les bâtiments de guerre patrouillent à la recherche de ces faux cargos. Devant la menace de plus en plus sérieuse, le Komet prend la direction de l'océan Indien où il forme un nouveau convoi le 12 mars 1941 avec le "Pinguin" et un ravitailleur. Le 8 mai 1941, alors près des Seychelles, le Pinguin est pris à partie par le croiseur lourd Cornwall, le cargo coule en mer.

Le Komet, lui, fait de nouvelles victimes, des cargos aux précieux chargements. Puis cap à l'ouest, le convoi franchit le Cap Horn sous pavillon portugais (!!) puis c'est le temps de la séparation. Le Komet arrive à Cherbourg et reprend son cap vers le port de Hambourg, qui est atteint le 30 novembre 1941.

C'est la fin de la première mission, longue de 516 jours en mer et de 185 000 km parcouru. Un total de 42 000 tonnes de navires a été coulé.

Le HSK Komet avec l'Arado Ar 196 A1 bien visible, qui finira par se crasher lors de la première mission

Toujours à Hambourg, l'armement du navire est revu. Les canons L/45 datant de la première guerre mondiale sont déposés pour faire place aux  L/48-C/36 de 15,0 cm. Il reçoit aussi de nouveaux canons de Flak. La vedette rapide lui est retirée et l'Arado, qui s'était crashé pendant la mission, est remplacé par un Arado Ar 196 mais en version A3 cette fois.

La dernière mission

La première semaine d'octobre 1942, le bateau repart en mission avec un équipage recomposé sous le commandement d'un nouveau capitaine, le Kapitän zur See Ulrich Brocksien, 44 ans. Naturellement il n'est plus question de s'enfoncer dans les glaces au large des côtes sibériennes, les Soviétiques ne sont plus les alliés d'hier. Le Komet et ses escortes prennent la direction de l'océan Atlantique mais avant cela ils doivent franchir la Manche. Un problème sérieux apparait alors, après analyses des écoutes radio, le convoi a été repéré par les britanniques. Pour les Anglais le Komet doit être détruit, l'Opération Bowery est lancée, la Royal Navy envoie pas moins de 10 destroyers et  une flottille de torpilleurs à ses trousses.

Le destroyer HMS Cottesmore participe à la traque du Hsk Komet

Croisant au large de la baie de Seine, le convoi allemand est repéré une première fois par un avion ennemi. Dans la nuit du 13-14 octobre 1942, les destroyers HMS Cottesmore, Albrighton, Quorn, Eskdale, Glaisdale et le torpilleur  naviguent à la recherche de Komet qui n'est plus trop loin. Au Cap Le Hague, le lieutnant Rord du MTB 236 de la 9th MTB Flotilla (basé à Dartmouth) a enfin repéré l'allemand et fonce sur sa proie, seul. Une action qui va à l'encontre du règlement de la Royal Navy. Une salve de deux torpille est lancée, tandis que les destroyers ouvrent le feu de tous leurs canons. Le Komet est touché une première fois puis soudain il y a une seconde détonation nettement plus puissante, la déflagration est tellement violente qu'une boule de feu est vue à plusieurs kilomètres, y compris depuis les iles anglo-normandes pourtant situées pourtant à  une trentaine de kilomètres ! Le bateau est soufflé, fracassé, et sombre immédiatement dans la nuit noire. Il n'y a aucun survivant. 

La découverte de l'épave

Le Cap de la Hague depuis la côte, l'épave a été retrouvée au large. Pour les curieux, il y reste un bunker de la seconde guerre mondiale.

En juillet 2006, le bateau est découvert par le chercheur d'épave Innes McCartney. L'année suivante, une mission de cartographie est effectuée. Le Komet repose au fond de l'océan sur son dos, brisé en deux. Les deux parties sont distantes de 300 mètres l'une de l'autre ! Les dégâts n'étaient pas graves ils étaient monstrueux. Les compartiments où était stocké l'armement ont tout simplement explosé lors de l'attaque, précipitant le Komet vers le fond, trahissant sa conception de navire marchand, nettement moins renforcé qu'un véritable bâtiment de guerre, les 251 hommes d'équipage en ont malheureusement fait les frais. 

La tombe du Kapitänleutnant Paul Krebs

En déambulant dans le cimetière, j'ai pris en photo la tombe du Kapitänleutnant Paul Krebs sans savoir auparavant qu'il était un officier du Komet d'ailleurs je ne sais pas si d'autres marins du cargo sont aussi inhumés à Marigny.

Paul Krebs était né le 22 avril 1909 à Lägerdorf dans le Schleswig-Holstein. La petite ville est située près de Hambourg, c'est une terre de marins. Après le naufrage du bateau, son corps a du être retrouvé sur la côte française. Krebs est inhumé au Bloc 5 rangée 42 tombe 2084.

Kapitänleutnant Paul Krebs

 

Tombe du Kapitänleutnant Paul Krebs à Marigny

Le cimetière militaire allemand de Marigny

 
 
Le Deutscher soldaten Friedhof de Marigny se situe en rase campagne à 2 kilomètres du village de Thèreval dans la Manche.
Créé après la guerre, forcément, des soldats américains mais aussi allemands (4 246) y étaient enterrés. Dans les années 50, les dépouilles américaines sont transférées à Saint Laurent sur Mer mais celles des Allemands restent sur place et sous administration française, le nombre de morts monte à 5 713. 
 

 
En 1957, le cimetière maintenant pris en main par le Volksbund compte de nouvelles arrivées dont notamment les soldats du cimetière des Landelles. Il est réaménagé de 1958 à 1960 et inauguré par le Volksbund le 2 septembre 1961. De nouvelles dépouilles provenant des villages ou bien tout simplement retrouvées pendant des travaux viennent agrandir le cimetière qui compte maintenant 11 169 personnes. 
 

Rassemblant principalement les victimes de cette région de Normandie, on y trouve des marins, des pilotes, des soldats de la Panzer-Lehr Division, de la 17. SS-Panzer-Grenadier Division "Götz von Berlinchingen", de la Das Reich...
 

Le mémorial naval de Laboe

 
Maintenant nous allons nous rendre sur la Baltique au mémorial naval de Laboe (Marine-Ehrenmal Laboe). Comme vous avez pu le lire, une énorme partie de l'équipage est portée disparue en mer, y compris le Kapitän zur See Ulrich Brocksien. Le mémorial rend hommage à ces marins disparus pendant les deux guerres mondiales, qu'ils viennent des U-Boote ou des bâtiments de guerre, un registre avec leurs noms est consultable, l'équipage du HSK Komet y est naturellement présent.
 
Le mémorial naval de Laboe

"Ils sont morts pour nous, un rappel aux vivants"

Ce mur magnifique rappelle le nombre et le type de bateaux perdus...

...l'inscription 7 Hilfskreuzer y apparait.


dimanche 27 octobre 2024

Un très beau SdKfz 251 Pioniergerätewagen au musée de Munster


 
A l'été 2024, je mettais rendu au Panzermuseum de Munster et j'avais publié un article sur le Tiger Ausf E. Cette fois-ci pas de gros chars, je vais parler d'un véhicule semi-chenillé bien connu des amateurs d'histoire militaire, le fameux Sd.Kfz 251 dans sa définition Pionier, mais avant de commencer un petit mot sur le musée de Munster...
 

Le Panzermuseum de Munster

Entrée du Panzermuseum de Munster

Le Panzermuseum est situé à Munster, une petite ville sans intérêt, une ville garnison avec ses militaires, sa boutique ASMC, son énorme terrain de manoeuvre à proximité où sont entrainés des Ukrainiens. Dire qu'il n'y a rien à y faire, hormis la visite du musée, est un euphémisme. Pour être à l'ouverture, 10 heures du matin, nous avons dormi la nuit en CC devant le musée, c'est gratuit et pratique. J'ai chargé ma femme et ma fille d'une mission très importante, faire longuement les courses tandis que je visitais le musée, chacun y trouve son compte...

Comparer le musée de Munster à celui de Saumur serait une erreur. Le musée des blindés est plus riche, plus grand et aussi plus internationale. La force de Munster ce sont ses blindés de l'armée allemande, de la seconde guerre mondiale à la RFA et RDA jusqu'au Leopard 2, le même qui est actuellement très apprécié des Lancets et autres Kornets/Fagots russes.

Le fleuron des chars allemands le Leopard 2 est la star du Panzermuseum... mais quelques épaves sont aussi exposées au Patriot Park en Russie

La visite est agréable, il n'y a pas ces maudites cordes que l'on voit à Saumur, nous pouvons donc tourner autour des blindés. Durant la visite, vous pouvez aussi croiser le responsable du musée, Ralf Raths, lui poser des questions et c'est vraiment sympa.
Un autre point qui m'a particulièrement marqué est l'affluence. Le nombre de visiteurs me semble bien plus important que celui de Saumur et pourtant je n'y étais pas un week-end. C'est simple, il était difficile de prendre des photos sans avoir une personne dans le cadre de l'objectif.
Je terminerais par le point négatif : la boutique. Celle-ci ne représente quasiment aucun intérêt, le choix des livres est franchement limité, peu de maquettes hormis celle de la marque Lego, c'est dommage car il y a de quoi faire.
 
Le chouette ticket d'entrée du Panzermuseum qui deviendra un marque page
 
 

Le Sd.Kfz 251

 
Le très populaire véhicule blindé transporteur de troupe de l'armée allemande, le Sd.Kfz 251 (Sonderkraftfahrzeug 251), a été développé par Hanomag sur la base du Sd.Kfz 11. Largement plus blindé que son ainé, le semi-chenillé a été décliné en plusieurs versions, 23 pour être exact, c'est dire la polyvalence du camion. Durant la guerre, le semi-chenillé a été fabriqué en Allemagne et naturellement, comme le chasseur de char Hetzer, dans le Protectorat de Bohême-Moravie.  
 
Le Sd-Kfz 11, ici au musée technique de Sinsheim, sert de base au Sd-Kfz 251 mais il est franchement moins charismatique, en gros il est pas beau. 
 

Le Sd.Kfz 251 de Munster

 
Le 251 exposé au Panzermuseum de Munster est une version destinée aux troupes du génie (Pionier), c'est donc un Sd Kfz 251/7 Ausf D Mittlerer Pioniergerätewagen, produit à partir de septembre 1943 jusqu'en mars 1945. Ils étaient versés au sein d'un Panzer-Regiment où ils constituaient souvent un Pionier Zug.
Comme je l'écrivais ci-dessus, la version 7 est destinée à l'arme du Génie, il est donc reconnaissable grâce  à ses passerelles d'assaut appelées "Schnellbrücken" placées sur des support latéraux le long de la caisse. Il pouvait aussi transporter du matériel spécifique, par exemple des caisses de mines et des explosifs, un bateau pneumatique et comme c'est un camion il pouvait naturellement tirer un canon de Pak derrière lui. 
S'il y a la version 7, il y a aussi 4 modèles, Ausf A, B, C et D. Celui de Munster est un Ausf  D.
   
Le véhicule blindé fait 8 tonnes. Son moteur essence est un 6 cylindres Maybach HL 42 de 4198 cm3 développant 100 chevaux (sur le papier).
Son armement est composé d'une ou deux mitrailleuses MG 34 ou MG 42 placé à l'avant et l'arrière du compartiment, voir d'un canon de 7,92mm.
 
Un SdKfz 251/7 de la 5.SS Panzer-Division "Wiking" avec ses Schnellbrücken. L'armement est constitué d'une seule MG 42

Un véhicule du groupe Guderian monte sur un radeau. L'utilisation des passerelles, Schnellbrücken, transportées par les Sd.Kfz 251 est ici bien visible.  
 
Saisi en Europe, le Sd.Kfz a été acheminé aux USA où il a été a été stocké pendant de longues années à l'air libre au General Georges Patton Museum en Californie. Durant cette période, l'insigne de l'Afrika Korps était peint à l'arrière gauche du blindé, mais celui-ci devait être juste pour le "décor" car l'origine du camion est pour l'instant inconnu.
En 1989, il est cédé et envoyé au Panzermuseum de Munster où il est intégralement restauré, surtout l'intérieur qui était particulièrement dépouillé, l'armature des sièges étaient toutefois en place. Malgré quelques fuites d'huile, un pot d'échappement à l'agonie, le SdKfz est en état de rouler. 

- Le numéro apposé sur ses flancs est le "323" soit la 3. Kompanie, 2. Zug (section), 3. Fahrzeug (véhicule).
- Sa plaque d'immatriculation indique que c'est un véhicule du Heer et pas de la Waffen SS.
- Son insigne tactique peint à l'avant est celui d'une Panzerpionierkompanie en l'occurrence la troisième.
 Mais tout cela ne sont que des détails d'après-guerre, la réalité devait être différente.
 
Le Sdkfz 251/7 Ausf D est équipé d'une bâche pour protéger des intempéries la MG 42 mais aussi le personnel. Nous voyons aussi son éclairage Notek, le Sd Kfz est plus complet que son homologue angevin.  

 
Le petit pot d'échappement est percé par la rouille, il a fait la guerre comme on dit mais la camion reste tout de même en état de marche

 
Un câble est accroché aux crochets de remorquage ce qui pouvait être aussi utile lorsqu'il fallait sortir d'un trou. Nous voyons aussi l'orifice pour le démarrage avec la manivelle. Les deux tiges avec une boule aux extrémités étaient utilisées à l'époque (pas toujours), elles ne servaient pas seulement de support de rétroviseur mais aussi de repère pour le conducteur que ne voyait pas grand chose derrière son volant.    

Pour faciliter la manutention des passerelles celles-ci sont équipées de poignées. La fente latérale du conducteur est vraiment très petite, la visibilité devait être médiocre 

Sur cette vue de profil nous remarquons le long capot. Les chenilles sont recouvertes de patins en caoutchouc, cela limitait l'usure et améliorait le confort des passagers.

  

Des Sd.Kfz 251 après la guerre ?

 
Pendant la seconde guerre mondiale, les Sd.Kfz 251 et les Hetzer ont été fabriqués au sein de l'usine Skoda de Pilsen, dans le Protectorat de Bohême-Moravie ( actuelle République Tchèque).
Après la guerre, comme il est de coutume, les Tchécoslovaques ont réutilisé le matériel allemand dans un premier temps puis les ont modernisé. C'est ainsi que le Sd.Kfz 251 a connu une seconde vie sous le nom de Tatra OT-810. Le moteur est changé pour un V8 diesel Tatra, le toit du véhicule équipé d'une trappe circulaire pour le chef de bord est désormais équipé de volets blindés rabattables, le châssis est dorénavant soudé plutôt que boulonné mais la forme comme la technique restent très proche de la version originale.
Le Tatra a été produit de 1958 à 1963 à environ 1450 exemplaires. Il est resté en service jusqu'au début des années 1990, date à laquelle lorsque les derniers survivants n'ont pas été détruits,  ils ont été vendus aux civils (y compris étrangers) qui se sont empressés naturellement de les repeindre façon seconde guerre mondiale
Ressemblant énormément à la version allemande, le véhicule est devenu naturellement figurant dans les films de guerre. Un figurant bien plus crédible que son homologue américain "Half track" vu dans la 7e compagnie.
On salue donc la longévité du bon vieux Sd.Kfz !
 
Les Tatra OT-810 sont devenus populaires dans les films de guerre. Notez la trappe du mitrailleur.
 
Il y a quelques années, j'ai eu l'occasion et la chance de monter dans l'un de ces Tatra, ce fut une expérience mémorable. Le conducteur Tchèque, dont je n'ai jamais su s'il était à jeun, était particulièrement zélé dans sa conduite tout-terrain. Changements de direction et freinages brutaux m'avaient permis de constater que le véhicule était vraiment loin, très loin d'être une modèle de confort, surtout lorsque vous êtes debout à l'arrière de la caisse, votre survie tient alors uniquement dans votre capacité à vous cramponner...   
 
 

En voir d'autres ?

 
J'ai eu l'occasion de voir un autre Mittlerer Pioniergerätewagen exposé au  musée des blindés de Saumur,  l'article est disponible ici
 
Le Sd.Kfz 251 version génie exposé au musée des blindés de Saumur est moins équipé en accessoires, il est même assez dépouillé.

Et le Sd.Kfz 11 ?

 
Si nous avons vu un Sd.Kfz 11Leichter Zugkraftwagen au musée technique de Sinsheim nous pouvons voir un autre exemplaire au Panzermuseum de Munster.
 
Un Sd.Kfz 11 est aussi exposé à Munster


 

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