Pendant les vacances de l'été 2024, je me suis rendu dans la Somme, sur la côte mais aussi dans les terres. Je suis retourné au cimetière militaire allemand de Bourdon, un cimetière que je n'avais pas visité depuis plusieurs années déjà. Cette fois-ci, contrairement à la première fois, la météo était de mon côté, j'ai déambulé dans le bloc 32 et je me suis attardé devant la tombe d'un pilote de chasse de la Luftwaffe, Heinz Reiche.
Pendant que je suis dans le sujet, il y a une association locale
spécialisée dans la recherche d'appareils et donc de pilotes de la
seconde guerre mondiale, Somme Aviation 39/45 je vous conseille de jeter un oeil sur leur site internet. Je ne suis pas membre de cette association mais comme Absa 39-45 je trouve leur démarche intéressante et nécessaire.
Qui est Heinz Reiche ?
Heinz Reiche est né le 2 novembre 1912. En mars 1941, Reiche déjà leutnant, intègre le II./JG 26 et plus précisément la 5.Staffel basée à Morlaix en Bretagne. Il va y piloter un Messerschmitt Bf 109 E-7 (Wnr 6459).
|
Leutnant Heinz Reiche de la JG 26
|
Alarm ! le 10 juillet 1941, des appareils ennemis sont signalés dans le ciel, des bombardiers Blenheim escortés par des chasseurs ont pour objectif de bombarder un dépôt de munition allemand dans la forêt de Guînes. Reiche est dans les airs lorsqu'il se retrouve dans le collimateur d'un Spitfire chargé de protéger les bombardiers. L'avion allemand est criblé de balles, Reiche n'a pas le dessus, il est obligé de sauter en parachute, arrivé au sol il est récupéré mais blessé.
|
Des Messerschmitt Bf 109 E-7 du II./JG 26. Ils seront remplacés progressivement par des Fw 190
|
En août 1941, l'Erprobungsstaffel 190 qui arrive de Rechlin se pose à l'aéroport du Bourget avec les nouveaux chasseurs Fw 190 A-1. Ils serviront à l'entrainement du II./JG 26. Rapidement, le Fw 190 dévoile son talon d'Achille, il manque singulièrement de fiabilité, aussi bien pour la partie mécanique qu'électrique. Malgré cela, l'appareil entre progressivement en service au sein du Groupe, en attendant les pilotes de la 5. de l'Oberleutnant Wolfgang Koss gardent leurs bons vieux Bf 109.
Toujours en août, la 5. Staffel est transférée à Moorsele puis en octobre elle prend la direction de Wevelghem en Belgique. En décembre, le transfert est de nouveau ordonné en direction d'Abbeville-Drucat. Cinq pilotes de la 6. Staffel perdront accidentellement la vie durant le transfert du Gruppe le 22 décembre 1941. Ils seront enterrés le 25 décembre au cimetière d'Abbeville puis plus tard...à Bourdon.
Décembre, c'est aussi le mois de livraison des premiers Focke Wulf Fw 190 A-2 à la Jagdgeschwader, ils remplacent les modèles A-1 et le Bf 109. Heinz Reiche va bientôt percevoir son A-2, il s'agit d'un Fw construit par la firme Arado à Warnemünde avec le numéro de série 0125234. Le chiffre "7 +" est inscrit en noir sur les côtés de la carlingue.
|
Novembre 1941 à Wevelghem, le Fw 190 A-1 du Leutnant Horst Sternberg de la 5./JG 26
|
Concernant le Fw 190, quelques articles ont été publiés, je vous conseille donc de cliquer sur celui concernant le NC 900 du musée du Bourget. L'avion exposé est aux couleurs de l'As allemand, le Hauptmann Josef Priller de la...JG 26 ! Sur le blog il y a aussi plusieurs articles concernant la partie mécanique de
l'avion, les moteurs exposés au musée de Prague ou celui du musée de Munich. D'une manière générale, voir un Fw 190 est moins commun qu'un Me
Bf 109.
|
Le Fw 190 était intégré à l'Armée de l'Air française sous le nom NC 900
|
Mai 1942, la mort de Heinz Reiche
Maintenant une grosse partie de la JG 26 "Schalgeter" est équipée de Fw 190 A-2 ou A-3. A la fin avril 1942, le II./JG 26 déménage à nouveau et se pose à Cherbourg-Maupertus, un aérodrome assez rustique situé à 1,5 km au sud-est de Maupertus, la piste est faite d'herbe.
Le 4 mai 1942, il y a du mouvement au sein de la 5. Staffel puisque l'Oberleutnant Wilhelm-Ferdinand Galland (1914-1943) remplace l'Oberleutnant Wolfgang Koss qui est muté à la JG 5 en Norvège.
Le 9 mai 1942, dès 6h30 du matin des avions ennemis sont signalés au dessus de la Manche en direction de Calais. Sur la base de la Jagdgeschwader 26 la sirène retentit, les pilotes courent à leurs redoutables et puissants Fw 190. Les moteurs vrombrissent, la JG 26 décolle à l'encontre de l'ennemi. Plusieurs minutes s'écoulent et les Allemands ne voient toujours rien dans le ciel. Quelques temps plus tard, nouvelle alerte et encore une fois aucun Spitfire ou bombardier en vue. Par précaution, des appareils sont chargés de patrouiller, au cas où...
C'est maintenant le début de l'après midi, il est 13h00 lorsqu'une nouvelle fois l'alerte est déclenchée. Cette fois-ci c'est du sérieux ! Des avions britanniques sont chargés d'attaquer les infrastructures ferroviaire d'Hazebrouck. Le JG 26 va se frotter aux chasseurs d'escorte du No. 10 Group Wing.
A 13h40, l'As allemand, le Hauptmann Josef Priller de la Stab./JG 26 abat le premier Spitfire à 3 km au nord de Gravelines. Le Leutnant Artur Beese de la 1./JG 26 (qui décèdera le 6 février 1944), abat un autre Spitfire.
L'
Oberleutnant Josef Haïbock (4./JG 26) a dans son viseur le
Spitfire du Sergeant Australien, William James Smith (1917-1942) du
No.457 Squadron. Les canons
crépitent,
le
Spitfire est touché et fonce à vive allure vers le sol qu'il
percute. L'avion et les restes du pilote seront retrouvés dans un champ
près de
Hardifort en 2011. Smith repose dorénavant au cimetière du
Comonwealth à Cassel.
|
Sgt William James Smith abattu par l'Oberleutnant Josef Haïbock |
La 5. Staffel, celle de Heinz Reiche, n'est pas non plus inactive, à 13h46, le Leutnant Horst Sternberg est à l'ouest de Calais lorsqu'un Spitfire finit en flamme sous les canons de son Focke Wulf. A 13h55, l'Oberfeldwebel Wilhelm "Willi" Roth (4./J 26) revendique lui aussi un Spitfire abattu près du Touquet.
De 13h40 à 13h55, la JG 26 revendique huit appareils ennemis abattus mais les combats ne se sont pas fait sans perte du côté allemand. L'Unteroffizier Herbert Hofmann de la 1./JG 26 a été abattu par un Spitfire à 13h45 au nord de Cassel. Et puis, le Focke Wulf de Reiche manque aussi à l'appel, le Schwarze 7 + s'est écrasé dans le secteur Watten-Eperlecques situé au nord de Saint Omer. Victime d'un Spitfire, Reiche est retrouvé mort.
Malgré mes recherches, il me semble que le palmarès du Leutnant soit resté vierge, du moins au sein de la JG 26.
La tombe de Heinz Reiche à Bourdon
Le Leutnant Heinz Reiche est inhumé au cimetière militaire allemand de Bourdon au Bloc 32 tombe 385
|
Tombe du Leutnant Heinz Reiche de la JG 26
|
|
Tombe du Leutnant Heinz Reiche de la JG 26 |
Le cimetière militaire allemand de Bourdon
|
Le cimetière militaire allemand de Bourdon |
En 1961, le Volksbund a commencé à regrouper à Bourdon les sépultures des
soldats qui étaient enterrés dans les cimetières des villes et villages du Nord,
du Pas-de-Calais et de la Somme.
Le cimetière a été inauguré officiellement le 16 septembre 1967, la section de Rhénanie du Nord-Westphalie du Volksbund parraine le cimetière.
Une très grande partie des 22 216 soldats allemands qui y reposent sont tombés lors de la campagne de France de mai-juin 1940, dont de nombreux Waffen de la "Totenkopf". Il faut dire qu'avec la création de la poche de Dunkerque, la région Nord a connu d'effroyables combats.
Une autre partie concerne des soldats tués fin août-début septembre 1944, notamment après la traversée de la Seine.
Enfin, il y a une part non négligeable de pilotes de la Luftwaffe notamment ceux des Jagdgeschwader,
les unités de chasse. Les tombes de ces pilotes s'étalent sur quatre
années de guerre dans le secteur. Il y a de nombreux articles à leurs
sujets sur le blog.
|
Le cimetière militaire allemand de Bourdon
|
|
Carte postale du cimetière militaire en vente sur place, laissez des pièces de monnaie dans la boite prévue pour cela.
|
Le Fliegerhorst Abbeville-Drucat
|
Fw 190 de la JG 26 au bord d'une taxiway à Abbeville-Drucat
|
Dès
1941, dans le but d'accueillir les I. II. et
III./JG 26, les Allemands décident de moderniser les infrastructure d'Abbeville-Drucat qui n'était auparavant
qu'un modeste aérodrome. Trois
importantes pistes en béton sont donc construites en 1941-1942. Celle la
plus à l'ouest faisait 1650 mètres, celle transversale faisait 1600
mètres et la dernière, au sud, mesurait 1465 mètres. Les trois pistes
faisaient 50 mètres de large. Elles étaient connectées aux multiples
taxiways, les voies de garages pour avions, ainsi qu'aux voies de
services.
Pour faciliter l'approche par mauvais temps, les avions étaient guidés par un
faisceau Lorenz ainsi que par des feux de piste.
La forêt au sud de Plessiel
était largement utilisée pour les besoins de la maintenance, armements
des avions etc pour l'occasion il y avait des splitterschutzbox
|
Aérodrome d'Abbeville-Drucat avec les infrastructures encore en place. au nord le village Le Plessiel, à l'est, Drucat.
|
|
Les trois pistes de Drucat utilisées par la Jagdgeschwader 26 |
Le 19 août 1942 à 11h30, 22 bombardiers B17 du 97th Bombardment Group du VIII Bomber Command 2 larguent 34 tonnes de bombes sur le Fliegerhorst. La mission est de faire diversion et d'occuper la chasse allemande puisque le jour même a lieu le débarquement de Dieppe.
2
Fw 190 sont endommagés au sol. Le bombardement n'atteint pas l'objectif
escompté, les pistes ne sont pas détruites puisque 7 minutes après le
bombardement des chasseurs décollent....
|
Bombardement de l'aérodrome d'Abbeville-Drucat
|
Quelques vestiges (il faut aimer le béton)
A l'été 2024, contre l'avis de ma femme et de ma fille, nous avons tout de même eu l'occasion de dormir sur l'ancien aérodrome de la JG 26, et surtout sur une des pistes d'envol .
Aujourd'hui encore, il existe quelques vestiges de la base aérienne d'Abbeville-Drucat (la preuve !) aussi appelée "le Plessiel" du nom du village au nord de la base.
Sur le sujet des aérodromes je vous conseille le livre : "La Jagdgeschwader 26, histoire de quelques aérodromes de la Luftwaffe dans le nord de la France de Nicolas Grebert"
|
Dormir sur la piste d'envol des Fw 190 de la JG 26, c'est le top pour certains et carrément n'importe quoi pour d'autres.
|
|
Les deux pistes "allemandes" bétonnées se croisent avec la piste moderne
|
|
La piste transversale croisant la D928
|
|
A gauche la taxiway sur la D 928. Dans le champs à droite nous remarquons une position de Flak avec sa tranchée pare-éclats.
|
|
Ce qu'il reste de la taxiway sur la D928
|
|
Taxiway aujourd'hui situé au 55 route nationale à Le Plessiel
|
|
La maison repose sur des bonnes fondations
|
|
Secteur Le huy - rue du château à Le Plessiel.
Au carrefour nous remarquons une position de Flak avec sa tranchée
par-éclats. Nous remarquons aussi les fondations d'un hangar (?) à
proximité du carrefour.
|
|
Emplacement du hangar (?) rue du château d'eau. Le relief démontre que les soubassements sont encore là.
|
|
Un peu plus loin un emplacement bétonné toujours situé sur la rue du château d'eau
|
|
Le Plessiel près de la rue de la gare secteur le Huy
|
|
La première dalle est encore présente, pour les suivantes il ne reste que les fondations des bâtiments. |
|
Les bâtiments étaient sans doute des splitterschutzbox. Un soubassement en dur surmonté d'une toile, d'un filet de camouflage sorte de "toile de tente" semi-rigide.
|
|
Petit souvenir, un morceau de béton de la piste transversale. Les Fw 190 ont posé leurs roues dessus il y a 80 ans déjà.
|
Liens